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qu’ils craignaient un second raid sur leur territoire et qu’ils prenaient des précautions légitimes. Cette excuse paraîtra sans doute peu sérieuse. Mais d’abord il faudrait s’entendre sur la position de la question : le gouvernement anglais a-t-il connu, oui ou non, les arméniens extraordinaires des Boers ? S’il les a connus, comme cela parait ressortir du langage de M. Balfour, il n’a pas le droit de dire qu’il n’en savait pas plus que l’opinion, car assurément l’opinion ne s’en doutait pas ; et alors rien ne peut l’excuser, d’abord de n’avoir pas demandé des explications au Transvaal, ensuite de n’avoir pas mis au fait d’une situation aussi nouvelle le Parlement et le pays. C’était son devoir de le faire avant d’engager la guerre, ou d’adopter une politique d’où la guerre devait inévitablement sortir. Si le gouvernement a ignoré les arme : mens boers, sa responsabilité, pour être différente, n’en est pas moindre, car il aurait dû les connaître ; mais alors il ne doit accuser que lui-même et non pas s’en prendre aux institutions, qui, à l’entendre, ne lui permettaient pas de demander plus tôt au Parlement les crédits devenus indispensables. Toute cette partie du discours de M. Balfour a pour but évident de rejeter sur M. Chamberlain, sur les institutions du pays, sur tout le monde, une responsabilité dont il ne veut pas pour lui-même. Cela n’est pas très généreux. En ce qui concerne en particulier M. Chamberlain, ses collègues au ministère savaient parfaitement bien ce qu’il était. En réalité, ils se défiaient de cet esprit aventureux. Ils n’étaient pas du tout rassurés en le voyant mener si impétueusement les affaires ; mais M. Chamberlain, qui est un habile manipulateur de presse et qui, aujourd’hui encore, trouve le moyen de tourner tous les journaux contre M. Balfour, au point de se faire oublier lui-même, M. Chamberlain était populaire, et ses collègues n’ont pas osé l’arrêter ou l’entraver. Ce sont là des défaillances qui se payent et s’expient tôt ou tard. Le vieux torysme de lord Salisbury, nourri aux meilleures traditions de la politique britannique, était certainement alarmé des allures nouvelles qu’un homme venu d’un autre parti, après en avoir d’ailleurs également renié le programme, apportait au gouvernement. Pourtant lord Salisbury a laissé faire : on voit aujourd’hui les conséquences de cet abandon. Certes, M. Chamberlain a été très coupable : il ne l’a pas été seul.

Mais, en somme, cela ne nous regarde pas, et, si les Anglais sont contens du ministère actuel, nous les contrarierons d’autant moins dans ce goût particulier qu’un autre ne les aurait probablement pas mieux garantis du danger. En réalité, les deux grands partis historiques ont fait à qui mieux mieux assaut d’impérialisme, et c’est par