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Suppression des soixante-quinze sénateurs inamovibles : combien de fois ses regrets n’ont-ils pas été partagés par tous les véritables amis du Sénat ! La Haute Assemblée a été incontestablement diminuée le jour où elle a été privée du droit de nommer elle-même un certain nombre de ses membres. Il en reste encore une quinzaine. M. Wallon a demandé qu’ils fussent conservés : vœu platonique, comme la plupart des vœux de jour de l’an, mais qui n’en mériterait pas moins d’être réalisé.

L’événement capital de la journée du 9 janvier a été la triomphante réélection de M. Paul Deschanel. Dès le lendemain, les journaux radicaux et socialistes en poussaient de véritables cris de rage. Le coup était, en effet, très sensible pour eux et pour le Cabinet qui a si bien su mériter leurs bonnes grâces : ce n’était ni plus ni moins que la désagrégation de la majorité ministérielle, cette majorité qui paraissait si nombreuse et si solide il y a quelques jours à peine, et dont la coalition gouvernementale se montrait si fière ! Nous avons dit à maintes reprises ce qu’il fallait en penser : le ministère a duré jusqu’à ce jour parce que personne ne voulait se charger, avant la fin du procès de la Haute Cour, de prendre la suite des affaires qu’il avait si lamentablement compromises. Dans ces conditions, il aurait été sage, de sa part, de ne pas livrer bataille au sujet de la présidence de la Chambre. Il y avait, au surplus, de très bonnes raisons de ne pas disputer à M. Deschanel un fauteuil qu’il occupait avec autant d’impartialité que de bonne grâce, sans autre préoccupation que d’assurer à tous une liberté égale, et de maintenir la dignité des débats. Devant les qualités déployées par lui, chacun aurait pu s’incliner, sans faire d’ailleurs aucun sacrifice, car tous les partis étaient assurés de trouver sous sa présidence les moyens légitimes de soutenir leurs prétentions, et de les faire prévaloir conformément aux règles parlementaires. Le ministère et ses amis ont préféré prendre l’offensive. Ils espéraient obtenir la victoire avec le nom de M. Brisson. Ce n’est pas le choix de M. Brisson que nous critiquons : les radicaux ne pouvaient pas en faire un meilleur ; ils ne pouvaient même pas en faire un autre. Quoi qu’on puisse dire de ses opinions et du danger qu’elles présentent, M. Brisson est professionnellement un président expérimenté ; il a fait ses preuves ; il exerce sur la Chambre une incontestable autorité. C’était donc le concurrent le plus redoutable à opposer à M. Deschanel. Pourtant il a été battu, et même beaucoup plus qu’on n’aurait osé le croire. On voulait une indication sur la véritable pensée de la Chambre ; on l’a eue aussi claire que possible. « Si l’on avait voté à bulletin