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allemande, ce qu’elle avait cherché et ce qu’elle avait obtenu, l’originalité de son rôle entre les autres littératures européennes, et la signification des grandes œuvres qu’elle avait produites.

Hélas ! ce n’est point cette méthode qu’a suivie M. Richard Meyer ; ce n’est point non plus celle de l’étude des « milieux, » ni, moins encore, l’ancienne méthode de la division des genres. Connaissant ces trois méthodes, il n’a pu se décider à choisir entre elles ; et son évident désir de les concilier l’a conduit à imaginer une méthode nouvelle, d’où résulte incontestablement l’impression de chaos que produit son livre. Il a divisé son récit en dix parties, dont chacune correspond à dix années du siècle : la première va de 1800 à 1810, la seconde de 1810 à 1820, et ainsi de suite jusqu’en 1900. Au début de chacune de ces parties il a résumé, en quelques pages, ce qu’il appelle la « signature du temps, « c’est-à-dire les caractères généraux de la vie allemande pendant les dix années. Puis, ayant de cette façon défini le « milieu, » il a sommairement indiqué les modifications survenues dans les divers genres littéraires, de façon à ne pouvoir pas être accusé de n’avoir pas tenu compte de leur « évolution. » Et puis il a procédé à l’énumération des œuvres des divers écrivains, en séparant les genres comme aurait fait le critique le plus orthodoxe de la vieille école : de sorte que, par exemple, la notice qu’il a consacrée aux romans de M. Sudermann n’a pas le moindre rapport avec celle où il a étudié l’œuvre dramatique du même écrivain.

Encore sa prétendue division en tranches de dix ans n’a-t-elle été pour lui qu’un artifice tout formel, un simple procédé de classification. Pour justifier une telle division, il aurait dû étudier tour à tour, dans chaque tranche, les œuvres produites durant les dix ans ; il a préféré étudier d’un seul coup l’œuvre entière d’un même écrivain, et placer, par exemple, dans la partie intitulée 1840-1850, l’analyse d’ouvrages publiés en 1875. Que Schopenhauer ait débuté dans les lettres vers 1815, c’est assez pour que M. Meyer le range dans la période qui va de 1810 à 1820 ; Richard Wagner, dont les principaux écrits sont postérieurs à 1850, figure dans la période de 1840 : et dans la même période figure Théodore Fontane, dont on peut bien dire que son rôle n’a commencé qu’aux environs de 1880. C’est comme si un historien entreprenait de nous raconter la campagne de 1870 en nous donnant, d’un seul coup, la biographie complète de chacun des divers généraux, au fur et à mesure que leurs noms interviendraient dans le cours du récit. Et de cette erreur de composition résultent, pour le lecteur, un désordre, une obscurité, un ennui qu’aggravent encore les