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Vain espoir ! Le scrutin de liste n’a fait que leur apporter l’écrasement des minorités, la prédominance des partis extrêmes, les brusques et dangereux reviremens du corps électoral. Le scrutin uninominal leur a valu l’instabilité des ministères, le règne des coteries, l’effacement des idées générales devant l’esprit de clocher. Alors sont intervenus les partisans de la représentation des intérêts et ceux de la représentation proportionnelle, pour soutenir que le mal n’est ni dans l’universalité du suffrage, ni dans le mode du scrutin ; il se trouve, suivant les premiers, dans la désagrégation et l’éparpillement des unités électorales ; suivant les seconds, dans un système de répartition des mandats qui confère le monopole du droit de représentation à la moitié plus un de la totalité des votans.

M. Charles Benoist, en exposant ici[1], avec une rare compétence, la nécessité de confier le recrutement de la législature non plus à des assemblages arbitraires de masses amorphes, mais aux groupemens naturels de la société contemporaine, a tracé entre la réforme qu’il préconise et la représentation proportionnelle un parallèle qui n’est pas à l’avantage de cette dernière. Je suis loin de combattre son affirmation, que « la crise de l’Etat moderne » est due en majeure partie à la condition inorganique du suffrage « individualisé, » et je ne contesterai pas davantage que le remède ne doive se chercher, sinon exactement dans l’organisation dont il nous trace le plan détaillé, du moins dans l’ordre d’idées où il puise ses conclusions. Malheureusement, toutes pratiques que puissent être celles-ci, nous ne découvrons jusqu’ici, autour de nous, aucun symptôme de leur réalisation prochaine, — pas même un courant politique de quelque intensité en leur faveur. — Ce n’est certes pas un motif pour cesser de les soutenir et de les propager dans la mesure de nos forces, mais c’en est un pour ne pas rejeter d’autres remèdes qui sont peut-être plus à portée et qui visent une catégorie spéciale d’abus. Je ne puis d’ailleurs admettre que les deux conceptions s’excluent l’une l’autre. Comme on le montrait dernièrement[2], l’unanimité d’un groupe, en ce qui concerne ses intérêts communs, n’exclut pas, à propos d’autres questions, des divergences d’opinion qui justifient l’introduction

  1. Voyez dans la Revue des 1er juillet, 15 août, 15 octobre, 15 décembre 1895, 1er avril, 1er juin, 1er août, 1er décembre 1896 : l’Organisation du Suffrage universel.
  2. M. Ch. François : La Représentation des intérêts dans les Corps élus ; ouvrage publié sous les auspices de l’Université de Lyon.