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d’hectares, formait autrefois, dans la baie de Bourgneuf, une île rudimentaire, séparée du continent par un détroit de près de 3 kilomètres de largeur. C’était l’île de Bouin. Les eaux relativement tranquilles de la baie ont facilité le dépôt des alluvions. Le petit noyau s’est peu à peu recouvert de vases et de sables ; il s’est considérablement agrandi et transformé en une plaine marécageuse de plus de 3 000 hectares. Ce groupe de polders récens occupe le fond de la baie, est régulièrement exploité en marais salans et en prairies, qui écoulent, au moyen d’un réseau d’étiers assez compliqué, les eaux du Falleron, et, bien que relié au continent, il continue à porter le nom d’île de Bouin, qui rappelle son ancienne situation insulaire.

L’île de Noirmoutier a augmenté dans des proportions encore plus considérables ; et son isolement du continent est aussi d’une époque relativement moderne. L’anonyme de Ravenne, qui mentionne l’île de Ré et celle d’Yeu, n’en parle pas. Il est donc assez probable que, si elle constituait une île au XIe siècle, c’était depuis très peu de temps, et qu’on l’avait considérée, jusque-là, comme un prolongement du continent, dont la saillie extrême, correspondant aux rochers du Pilier, devait être le cap des Pictons, le Promontorium Pictonium de Ptolémée[1]. A une époque assez éloignée, mais qu’il est assez difficile de préciser, l’île de Noirmoutier ne devait être d’ailleurs qu’une masse rocheuse d’une certaine importance, recouverte en partie par des dunes. Le sable de ces dunes transporté par le vent a comblé une grande partie du golfe du Fain, situé au Nord de l’île. Les atterrissemens dus au calme relatif de la baie de Bourgneuf ont agi dans le même sens ; et, peu à peu, l’ancien îlot rocheux s’est trouvé entouré, surtout du côté du Nord, par une ceinture de terres basses conquises sur la mer et qui seraient périodiquement submergées, si elles n’étaient pas défendues par des digues et si on n’avait pas eu soin de ménager l’écoulement des eaux pluviales par une série de petits étiers qui forment un véritable damier. La surface de ces polders modernes est de près de 3 000 hectares ; elle a plus que doublé celle de l’île ancienne, et on n’estime pas à moins de 2 500 hectares la conquête faite seulement depuis l’origine du siècle et qui paraît être définitivement assurée par une ceinture de digues de protection qui ont coûté près de 3 millions.

  1. Πικτονιῶν ou Πηκτονιόν ἄκρον, 17° — 48°. Ptol. II, vii, 1.