Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résultats, et ils doivent surtout être attribués à l’oscillation séculaire de la cote, ou, pour employer l’expression si juste des riverains, et qui fait image, à cette « banche qui pousse, » très lentement sans doute, mais d’une manière continue et très appréciable, surtout depuis quelques centaines d’années[1].

Il suffit en effet de consulter les vieilles cartes du XVIe siècle, les plus anciennes auxquelles on puisse se reporter. Marennes, Luçon et Marans y sont dessinés sur le bord même de la mer. Ce dernier, appelé Port-Marans, et qui est aujourd’hui à plus de 10 kilomètres du rivage, occupe au fond du golfe le confluent de la Vendée et de la Sèvre. Talmont en Vendée, qui est actuellement dans les terres à plus de 5 kilomètres de la mer sur un petit étier à peine navigable, était, sous Henri IV, un véritable port qui expédiait de l’artillerie et recevait des bateaux de tout tonnage. Saint-Michel-en-l’Herm était encore un port de mer très fréquenté à la fin du XVIIe siècle : c’est aujourd’hui une prairie ; et on a trouvé, un peu partout dans l’intérieur des terres, au milieu des marais gâts, des débris de vieilles membrures de vaisseaux, des vestiges d’anciennes berges, des ruines de murs de quais gardant encore les anneaux de fer où s’amarraient les navires du moyen âge. L’ensemble du pays présente l’aspect d’un immense lac de vase figée. La terre se fond peu à peu avec la mer, et d’une manière insensible on passe de la plaine verdoyante à la prairie marécageuse et aux étangs desséchés, de ceux-ci aux étangs encore mouillés, puis aux marais salans, aux marais gâts et à la succession indéfinie des claires, des bassins, et des compartimens où l’on pratique en grand l’élève des coquillages.

Ce bas-fond de vase, continuellement remué par le flux et le reflux des vagues, a fini par se tasser ; et dès qu’il a dépassé le niveau de la mer, il a commencé à se dessécher, à prendre une certaine consistance et s’est peu à peu recouvert d’une végétation paludéenne qui a certainement mieux contribué à le consolider et à le protéger contre le flot que ne le feraient de véritables digues ; et c’est ainsi que l’ancien golfe a peu à peu diminué et qu’il suffira vraisemblablement d’un petit nombre de siècles pour en remplir les derniers bas-fonds et le transformer en une large plaine d’alluvions, uniforme, rectiligne, sans saillie, sans relief, et d’une grande fertilité.

  1. J. Girard, Les soulèvemens et les dépressions du sol sur les Côtes de France (Bull. de la Soc. de Géogr. de Paris, sept. 1875.)