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remparts s’étendait un petit havre qui pouvait recevoir les plus gros navires de l’époque. Tout s’est écroulé avec la falaise et a été englouti. En 1660, il existait encore sept tours de l’enceinte du côté de la terre ; elles n’ont pas tardé à être aussi emportées. Le petit fortin qu’on avait établi, pendant les guerres de l’empire, un peu en arrière sur la côte même, a été entamé à son tour ; on n’en trouve plus aujourd’hui sous l’eau que d’informes débris au pied de la falaise ébranlée. Depuis près de quatre siècles, l’île d’Aix est isolée du continent.

En résumé, on voit que, depuis les temps historiques et même seulement depuis l’origine de notre ère, l’action érosive des flots a transformé d’une manière très sensible le dessin de toute cette partie de la côte. Les anciens isthmes d’Oléron, de Ré, d’Aix et de Madame sont devenus des îles. Les falaises qui faisaient saillie se sont écroulées. Les cités puissantes qui étaient bâties sur ces socles gigantesques ou à leurs pieds, Anchoisne, Antioche, Montmeillan, Chatelaillon ont disparu, sans même laisser de ruines ; et il en reste à peine de vagues légendes et de confus souvenirs. L’Océan a tout réduit en vase et en limon. Les grandes profondeurs ont disparu. Les baies se sont presque comblées. Tous les reliefs de la côte et du fond se sont adoucis et des terres nouvelles ont peu à peu émergé de l’eau.

Cet immense travail de remblai a d’ailleurs été facilité par le colmatage naturel opéré par tous les cours d’eau qui se rendent à la mer. La Gironde et la Loire à elles seules apportent annuellement des millions et des millions de mètres cubes de vase et de sable que les courans littoraux promènent d’abord le long de la côte, mais qui finissent tôt ou tard par échouer dans toutes les parties rentrantes et relativement calmes, dans tous les golfes, dans les moindres baies. La Charente, la Seudre, la Sèvre, le Lay, la Vendée et leurs affluens contribuent tous à la même œuvre patiente et continue d’atterrissement, et tout l’appareil littoral formé d’alluvions marines n’est en somme qu’une restitution de la mer au continent.

Mais une autre action plus puissante encore a concouru au même résultat ; et il est facile de reconnaître que le littoral n’a pas été seulement remblayé par les alluvions des fleuves et les vases de la mer, mais qu’il s’est lentement soulevé depuis plusieurs siècles.

Partout sur la côte du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge,