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sait que les meilleures plaisanteries perdent leur sel quand on les prolonge et qu’on les répète.

Quoi qu’il en soit et quelle que fût la mauvaise grâce de cette tardive adhésion, malgré les anathèmes du docteur et les menaces du champion attardé de la Sainte-Alliance, on aurait pu croire que le passage le plus difficile était franchi. La royauté nouvelle était entrée sinon dans l’intimité et dans la famille, au moins dans la compagnie des monarchies européennes. A la suite des grandes Puissances, vinrent, l’un après l’autre, tous les États secondaires, qui avaient attendu leur exemple : Confédération germanique, Espagne, Naples, Sardaigne, États Scandinaves ; le petit duc de Modène fut le seul qui manqua à l’appel, mais le moins empressé à se mettre dans le rang, ce ne fut pas le roi des Pays-Bas lui-même, qui, sentant qu’il allait avoir besoin de tout le monde, tenait à ne pas rester seul, et, par une singularité qui aurait paru un blâme indirect, à ne mécontenter personne.


II

C’était de lui pourtant qu’allait partir à ce moment précis le signal d’un nouveau trouble qui ne devait pas laisser à l’Europe, à peine remise d’une si forte secousse, même un jour de repos. Ce fut en effet au moment où ce défilé des reconnaissances officielles allait être terminé que l’insurrection belge, dont on avait pu espérer quelque temps une solution pacifique, fut amenée par une crise suprême, à faire un pas décisif. A la suite de l’échec des négociations vainement essayées par l’héritier du trône et d’un coup de force plus malheureux encore tenté par son frère plus jeune, Bruxelles se trouvant évacué par les troupes royales, un gouvernement provisoire s’y était installé où prirent place les personnages éminens des deux groupes dont l’union était victorieuse : Félix de Mérode représentant les catholiques, à côté du libéral avancé Potter, dont le bannissement avait été la cause première de l’agitation révolutionnaire, et qui rentrait en triomphateur. Toute la Belgique reconnut leur autorité, y compris les’ villes fortes et leurs citadelles qui, à l’exception d’Anvers, tombèrent au pouvoir de l’insurrection. Le premier soin de ces commissaires provisoires, après des précautions prises pour rétablir l’ordre matériel et prévenir un retour offensif des troupes royales, fut de convoquer un congrès national chargé de donner à la