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mots : « Dès que j’ai vu la chute des Bourbons inévitable, j’ai voulu éviter la République. »

Cette brève formule et le bon conseil qui en était le commentaire expriment certainement, en même temps que l’opinion personnelle de l’ambassadeur, l’impression qu’il avait rapportée de ses entretiens directs avec le roi. C’est de la bouche royale qu’il avait entendu l’affirmation de ces deux points qui devaient caractériser la politique du nouveau règne. Politique d’ordre, prenant à tâche de comprimer les passions révolutionnaires auxquelles la République aurait infailliblement donné l’essor. Politique de paix, fondée sur le respect des traités et par-là même de l’état territorial que les traités avaient consacré. Ce fut le thème commun des lettres autographes que le roi dut écrire pour notifier, à tous les souverains, son avènement, et attendre, en échange, leur reconnaissance. Ce fut aussi le sens des instructions données aux envoyés qui furent chargés de les porter.

L’illustre M. Guizot, arrivant à ce moment de ses Mémoires pour servir à l’histoire de son temps, où, devenu acteur en même temps que témoin, son jugement acquiert une autorité toute particulière, s’arrête un instant pour inviter ses lecteurs à rendre justice à l’esprit de modération dont tous les gouvernemens firent preuve, le nôtre aussi bien que les étrangers, en acceptant de bonne grâce des nécessités qui leur déplaisaient : la France ne portant, ni directement, ni indirectement, atteinte aux conséquences matérielles, pourtant encore si pénibles, des traités de 1815 ; les puissances en ouvrant leurs rangs à une royauté dont l’origine ne devait pas leur agréer. Il y voit un progrès moral de l’esprit public inspirant à tous une égale répugnance pour ces appels à la force auxquels, dans d’autres temps, et par suite de moindres motifs d’amour-propre ou d’ambition, on aurait certainement eu recours.

Comme M. Guizot a assez vécu pour être témoin d’événemens qui n’ont pas prouvé que la répugnance pour l’emploi de la force fût un sentiment aussi général et aussi souverain qu’il aimait à s’en féliciter, rien n’empêche, tout en faisant une juste part à ces hautes considérations, de rechercher quels motifs, après tout légitimes, bien que d’un ordre moins élevé, décidèrent toutes les parties intéressées dans cette résolution mémorable à subir, sans résistance, l’empire des circonstances et quelle mesure, quelle nuance particulière chacune donna à son adhésion.