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de ses alliés, n’ayant été prévenu, ne voulut paraître partager la responsabilité.

Il n’entre nullement dans mon sujet de me faire ici l’interprète du jugement de l’histoire sur le parti que prit alors la France, en réponse à cette provocation, d’interrompre l’ordre de la succession réglé par la Charte, et de transporter la couronne dans la branche cadette de la maison royale. Non que, si j’étais appelé à dire à cet égard ma pensée, j’y éprouvasse le moindre embarras, malgré les souvenirs très chers que cette date fameuse me rappelle, et qui pourraient y sembler intéressés. Je dirais hautement, et sans la moindre réserve, que, s’il y eût eu dans le cours si rapide de la crise imprudemment suscitée par Charles X, un moment, un seul, où il eût été possible de conserver soit à la personne royale son inviolabilité constitutionnelle, soit à ceux qui étaient appelés légalement à lui succéder leur droit héréditaire, quiconque aurait volontairement laissé échapper cet instant favorable et cette minute de grâce a encouru une responsabilité dont la postérité aurait le droit de demander compte à sa mémoire. Mais je devrais ajouter que, parmi tous ceux que j’ai connus et que leur devoir appelait à prendre leur part de cette redoutable résolution, je n’en ai rencontré aucun qui ne tînt à affirmer qu’il n’avait fait qu’obéir à une impérieuse nécessité, — subie peut-être avec trop peu de regrets par les uns, sincèrement déplorée par les autres, — mais à laquelle personne ne pouvait songer à se soustraire. Je dirais aussi que tous les récits impartiaux que j’ai pu lire m’ont confirmé dans cette conviction, et qu’ayant malheureusement deux fois pu constater, en 1848 et en 1870, avec quelle rapidité irrésistible, quand la force publique a cédé devant l’émotion populaire, monte le flot d’une révolution, je ne puis croire qu’il y ait eu, en 1830, d’autre moyen d’échapper à l’anarchie républicaine, dont le nom seul causait alors un effroi général, que l’essai d’implanter, sur un sol si violemment ébranlé, une monarchie nouvelle que ses fautes n’avaient pas compromise.

Au demeurant, le jugement qu’un historien peut porter à la distance d’un demi-siècle sur un événement auquel il n’a pas assisté est ici de peu d’importance. Le fait qu’il convient surtout de constater et qui ne peut être contredit, c’est que le sentiment que je viens d’exprimer fut commun, à ce moment, à tous les hommes d’Etat qui présidaient alors aux divers gouvernemens d’Europe. Il n’y en eut pas un seul qui ne condamnât sans ménagement la