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une de ces difficultés qu’on a souvent l’art, dans les chancelleries, d’éluder avec une légèreté indifférente. Un coup de foudre avait éclaté à Paris et, d’une lutte de quelques heures, une révolution était sortie victorieuse et couronnée, dont l’insurrection belge, sous la forme aiguë qu’elle venait de prendre, n’était que le contrecoup et la conséquence. Dès lors, les deux mouvemens étaient liés, et l’effet ne pouvait être séparé de sa cause, ni l’imitation du modèle. La réponse qu’attendait Guillaume dépendait donc essentiellement de l’accueil que ferait l’Europe à la nouvelle royauté française.

Si l’insurrection, triomphant successivement à Paris et à Bruxelles, leur paraissait, pour la cause de toutes les royautés, un péril et un scandale de nature à les rappeler toutes au sentiment énergique d’une défense commune, si Juillet 1830, en un mot, ressuscitait les passions de 1815, on saurait gré au protégé de la coalition de rester sur la brèche et de pousser le cri d’alarme. Si, au contraire, les liens de cette communauté étaient tellement relâchés qu’aucun intérêt ni aucune inquiétude ne pussent les resserrer, il courait risque d’être traité comme la sentinelle qu’on relève quand l’heure de sa faction est passée.


I

À dire le vrai, la question n’était plus entière, car bien qu’entre le 9 août, date de la proclamation du roi Louis-Philippe comme roi des Français, et le 23 septembre, jour où les troupes hollandaises furent définitivement expulsées de Bruxelles, six semaines seulement se fussent écoulées, ce court intervalle avait été suffisant pour qu’il fût déjà certain que le nouvel établissement royal de France serait accepté par toutes les cours européennes avec plus ou moins de regret ou d’hésitation, mais sans qu’il y eût aucune chance que la note secrète d’Aix-la-Chapelle, menaçant d’une croisade européenne tout mouvement populaire triomphant à Paris, fût tirée nulle part de l’ombre où elle était prudemment restée. Ce silence et cette inaction de la première heure, explicables par des motifs divers qui seront à rechercher tout à l’heure, eurent pourtant une cause principale : ce fut l’effet de surprise et de réprobation générale qui accueillit la tentative imprudente faite par Charles X en violant la charte par les ordonnances inconstitutionnelles du 25 juillet 1830, acte téméraire dont aucun