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précision et d’autorité. Le Reichstag discutait le projet de loi relatif à l’augmentation de la flotte de guerre, projet particulièrement cher à l’empereur Guillaume, et qui se rattache dans sa pensée à tout l’avenir de l’empire. Aussitôt connu, il avait provoqué dans la presse de vives critiques. On en contestait non seulement l’opportunité, mais presque la légitimité ; et, en effet, il n’y a pas encore deux ans qu’au prix des plus grandes difficultés parlementaires, le gouvernement avait enfin réussi à faire voter le sexennat maritime. Tout le monde avait compris qu’un contrat ne varietur avait en quelque sorte été signé ce jour-là entre le gouvernement et le Reichstag, et que, pendant six ans, le premier ne présenterait pas d’autres demandes au second. C’était compter sans l’impatience de l’empereur. Le sexennat maritime ne lui suffit plus aujourd’hui. Promenant ses regards sur l’univers entier, il a conçu ce qu’il appelle lui-même une politique « mondiale, » et les ressources militaires dont il dispose ne lui paraissent plus suffisantes pour en soutenir les obligations. De là le nouveau projet de loi qui engage l’avenir pour une durée de plus de quinze ans, et qui augmente du simple au double la flotte de guerre allemande. On peut prévoir dès aujourd’hui qu’il rencontrera dans le Reichstag la même opposition qu’a rencontrée autrefois le sexennat ; mais l’opposition d’hier a été vaincue, et la ténacité de l’empereur, aidée de quelques concessions au centre catholique, finira sans doute par vaincre celle d’aujourd’hui. On sait qu’au Reichstag la majorité dépend du centre catholique : il faut donc négocier avec lui. Si on l’a fait avant la discussion, l’accord ne s’était pas encore produit lorsqu’elle s’est ouverte, car M. Lieber, le chef du groupe, a parlé contre le projet naval avec autant de sévérité que les socialistes eux-mêmes ont pu le faire par la bouche de M. Bebel. En somme, chacun a marqué ses positions, et s’y est tenu pour le moment. Le débat n’a pas eu de sanction immédiate ; le budget a été renvoyé à la commission, et le Reichstag est entré en vacances jusqu’au 9 janvier.

Le prince Hohenlohe, chancelier de l’empire, le ministre de la Guerre et le ministre de la Marine ont pris la parole ; mais leurs discours n’intéressent que l’Allemagne. Celui du ministre des Affaires étrangères a une portée plus générale. M. de Bulow s’est conformé à l’habitude prise dans tous les pays du monde de parler de la paix avec d’autant plus de chaleur qu’on demande de plus grands et de plus coûteux moyens de faire la guerre. Il a protesté des intentions pacifiques de son gouvernement : jamais, a-t-il dit, l’empire n’attaquera personne, car il ne rêve et ne poursuit aucune conquête, aucune augmentation de