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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 décembre.


À la fin de chaque année, la pensée se reporte naturellement en arrière pour essayer de se rendre compte des résultats obtenus pendant les douze mois écoulés. Sont-ils bons ? Sont-ils mauvais ? Il n’y a pas à hésiter aujourd’hui sur la réponse à faire. La situation est certainement pire qu’elle ne l’était au 1er janvier dernier. Soyons justes : nous sommes, ou du moins nous paraissons être débarrassés de la cruelle affaire qui a pesé sur nous si longtemps : mais, quelles qu’aient pu être ses intentions, nous n’en faisons nullement honneur au ministère actuel. Il a assisté à l’achèvement de l’affaire beaucoup plus qu’il n’y a présidé, et il s’en est fallu de peu que, dans plus d’une circonstance, il ne l’ait compromis par sa maladresse. Quoi qu’il en soit, le cauchemar est dissipé. Un gouvernement digne de ce nom, arrivant à l’heure précise où le temps faisait son œuvre et rejetait dans le passé la cause la plus active de notre mal, aurait dû donner au pays une orientation nouvelle. Pour nous arracher définitivement aux souvenirs de la veille, il fallait nous engager dans une voie nettement déterminée, au bout de laquelle on aurait aperçu un but digne de nos efforts. Au lieu de nous retirer du chaos, le ministère nous y a replongés plus profondément. Sa composition seule l’y condamnait. L’esprit français a besoin de clarté ; il n’a de force que dans la lumière ; et quelle lumière pouvait-il trouver dans un gouvernement qui avait perfectionné, c’est-à-dire compliqué la confusion primitive en introduisant le socialisme aux affaires ? Tel qu’il était constitué, avec ses membres disparates et sa tête incertaine, était-il capable de donner au pays une orientation fixe ? Non, certes : on pouvait tout attendre de lui, hors cela. Il représentait toute la rose des vents. Né du gâchis, il y ajoutait. Au surplus, il n’était pas lui-même sans en avoir quelque sentiment, et ses premières prétentions ont été modestes. Il semblait s’interdire les longs espoirs et les vastes pensées. Formé à la veille de la séparation des Chambres, il se présentait