Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CHARLES XII
AU CAMP D'ALTRANSTADT[1]

On lisait beaucoup autrefois l’Histoire de Charles XII, de Voltaire ; on la lit peut-être un peu moins aujourd’hui. Au charme d’une narration claire et vive, genre de mérite dans lequel Voltaire n’a pas d’égal, nous préférons, à tort ou à raison, la précision, l’abondance des documens, la recherche curieuse et parfois un peu puérile des détails. S’il est des lecteurs pourtant qui soient restés fidèles à d’anciennes admirations et qui aient suivi avec entraînement le merveilleux récit des aventures du vainqueur de Narva, du fugitif de Pultawa et du captif de Bender, ils ont dû se faire une question qui vient naturellement à l’esprit, et dont la réponse ne se présente pas tout de suite. Voici dans quels termes elle se pose.

Charles XII est le successeur et le petit-neveu de Gustave-Adolphe ; quand il monte sur le trône, la Suède est encore toute pleine du souvenir du rôle éclatant que ce glorieux souverain a fait jouer à sa patrie, dans une des phases les plus mémorables de la guerre de Trente Ans. Chacun se rappelle de quel prix son alliance, quelquefois un peu exigeante et incommode, a été pour Richelieu, et quel poids son épée a jeté dans la balance troublée de l’Europe. Tous ses coreligionnaires protestans bénissent sa mémoire comme celle du plus bienfaisant de leurs protecteurs. Or voici qu’après soixante et dix ans écoulés, et deux règnes moins éclatans qui ont laissé pâlir le renom de la Suède, apparaît un héritier de sa race qui paraît digne de lui. Le jeune Charles, à peine adolescent, attaqué par une coalition de voisins

  1. Au camp d’Altranstadt, par M. Gabriel Syveton, 1 vol. in-8o, chez Leroux.