Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 157.djvu/215

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il écrit d’Italie à un ami commun : « Quand je songe au plaisir que lui fait le Jardin du Roi ! Combien nous en avions parlé ensemble ! Combien il le souhaitait, et combien il était peu probable qu’il l’eût jamais à l’âge qu’avait Du Fay ! » Du Fay n’avait en effet que 41 ans lorsqu’il fut emporté après huit jours de maladie.

Si l’on remonte plus loin encore, on voit que Buffon avait reçu tout au moins une manière d’éducation en histoire naturelle. On sait où il avait puisé le goût de cette science, dont l’avaient détourné d’autres circonstances. C’est dans la fréquentation d’Hinckmann, personnage original, savant, très versé dans les sciences naturelles, ami de l’étude autant que le jeune duc de Kingston, qu’il accompagnait en qualité de gouverneur, l’était du plaisir. Buffon avait été longtemps leur compagnon pendant un voyage dans le midi de la France et l’Italie qu’ils avaient entrepris entre les années 1730 et 1732.

Du premier moment où Buffon avait obtenu cette place convoitée, son plan d’existence avait été arrêté. Son ardeur, dispersée jusque-là, se fixa sur un seul objet. Il s’assigna à lui-même une tâche immense dont il poursuivit l’achèvement pendant cinquante ans d’un labeur régulier et assidu. Il se proposa d’étudier et de faire connaître tous les objets naturels qui enrichissaient le cabinet du Roi, d’accroître le nombre de ces échantillons et enfin de donner une description de la nature même, vivante ou inanimée, dans un ouvrage qui serait le monument de son génie.

Il se mit à la besogne sans tarder. Il trouva, dans son entourage même, à Montbard, un jeune médecin Louis Daubenton qui devint pour lui le plus précieux des collaborateurs. Il le fit entrer, en 1742, comme garde et démonstrateur au Cabinet, lui accorda un logement et ne négligea rien pour lui assurer l’aisance nécessaire. Il le chargea des dissections et des descriptions anatomiques et en général de tous les détails auxquels il n’aurait pu donner lui-même son attention. Lui-même adopta, à partir de ce moment, le genre de vie le plus régulier et le plus méthodique. Il passait huit mois de l’année à Montbard, sans prendre aucune distraction, occupé à méditer dans la solitude et à travailler à la rédaction de ses ouvrages. Il passait les quatre autres mois à Paris, enfermé de même au Jardin du Roi et occupé des soins de l’administrer, de l’étendre et de l’embellir. Pour cette tâche encore, il sut choisir un peu plus tard un auxiliaire, actif, intelli-