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Statique des végétaux de Hales, à savoir que les anciens systèmes de la nature sont d’anciennes rêveries, les nouveaux ne peuvent être que des romans. « Les recueils d’expériences et d’observations sont les seuls livres qui puissent augmenter nos connaissances. »


III


On a dit que c’était un ordre du roi qui avait fait de Buffon un naturaliste, tandis que c’était la nature qui avait formé Linné, son émule et son rival. On fait ici allusion à la décision royale du 26 juillet 1739, qui accordait à Buffon l’intendance du Jardin du Roi ; et l’on paraît croire en effet qu’il a fallu cet événement pour susciter chez lui la vocation de naturaliste, restée latente jusqu’à ce moment. Il est difficile de préjuger ce qui serait advenu si M. de Maurepas n’avait pas donné à Buffon la succession de Du Fay ; il serait téméraire d’affirmer que ses études n’en auraient pas moins suivi la voie qu’elles ont prise en effet. Il est plus probable que l’Histoire naturelle n’aurait pas vu le jour et que les conséquences favorables qu’a eues pour le développement des sciences naturelles la publication de cet ouvrage ne se seraient pas produites. Si l’événement a donc été de grande conséquence en ce qui concerne Buffon, il n’a pas eu moins d’importance pour la science, et, d’une façon plus générale, pour le mouvement même des esprits au siècle dernier.

Mais cette direction du Jardin du Roi, Buffon l’ambitionnait passionnément. Il faisait tout pour s’en rapprocher. Pendant cette même année 1739, à l’Académie des Sciences, il avait réussi à passer du rang d’adjoint dans la classe de mécanique à celui d’associé dans la classe de botanique, où il y avait des chances que fût pris le successeur de Du Fay. Il écrit à son confrère Hellot : « Je prierai mes amis de parler pour moi, de dire hautement que je conviens à cette place… L’intendance du Jardin du Roi demande un jeune homme actif (il a 32 ans), qui puisse braver le soleil, qui se connaisse en plantes et qui sache la manière de les multiplier, qui soit un peu connaisseur dans tous les genres qu’on y démontre, et, par-dessus tout, qui entende le bâtiment. De sorte qu’en moi-même, il me paraît que je serai bien leur fait. » Le président de Brosses était, depuis longtemps, le confident de ses désirs. Quand il apprend la bonne fortune qui échoit à Buffon,