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l’existence la plus laborieuse, la plus régulièrement tournée vers cet unique objet. Il ne put mener à terme, dans les trente-six volumes qui s’échelonnèrent d’année en année, jusqu’au moment de sa mort, que l’histoire naturelle de l’homme et des quadrupèdes, avec la collaboration de Daubenton pour la partie anatomique ; — l’histoire des oiseaux, avec la collaboration de l’abbé Bexon et de Gueneau de Montbeillard ; — et enfin, l’histoire des minéraux, pour laquelle il se fit aider par Faujas de Saint-Fond. Les éditeurs firent achever la partie relative aux animaux par Lacépède, qui donna, en 1789, l’histoire des quadrupèdes ovipares et des serpens, et de 1789 à 1803, celle des poissons. Ce sont ces quarante-quatre volumes, dont huit au moins n’appartiennent pas à Buffon, qui forment l’édition princeps de ses œuvres.

Le premier volume de cette édition de 1749 contenait une introduction, un discours sur la manière de traiter l’histoire naturelle, et l’histoire et théorie de la terre ; les deux autres traitaient de l’homme et des quadrupèdes. C’était la première fois qu’une œuvre de ce genre était offerte au public lettré. Jusque-là, les traités généraux d’histoire naturelle, les systèmes de la nature, ne s’adressaient qu’aux naturalistes de profession. Les deux plus complets qui eussent paru depuis Aristote et Pline, celui de Conrad Gessner, le Pline de l’Allemagne, et celui de l’illustre Bolonais Aldrovande, étaient écrits en latin. L’histoire naturelle n’appartenait pas au domaine des idées générales ; elle ne faisait point partie d’un patrimoine intellectuel commun aux hommes cultivés ; elle restait l’occupation d’un petit nombre de savans formant un monde fermé, se connaissant d’un pays à l’autre, mis au courant de leurs travaux respectifs, informés des progrès de leur science, mais n’ayant que peu de tendance à mêler à leur affaire des étrangers et des profanes. Un petit nombre d’ouvrages, comme les mémoires de Réaumur sur les insectes, clairs, élégans, remplis de détails curieux, ou celui de Trembley sur l’hydre d’eau douce, qui est de 1744, avaient rompu ce cercle de la spécialité scientifique, et commencé de répandre parmi les gens du monde le goût des choses de la nature.

Le livre de Buffon, si séduisant par sa forme parfaite et si intéressant par les grands problèmes qu’il agitait relativement à l’origine du globe terrestre et des autres planètes, à la constitution de l’écorce solide, des mers, des montagnes et des fleuves, à