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personnelle, c’est le fidèle Ladrone ; et, autour de cette figure principale, peinte avec amour, quels jolis croquis de personnages chevalins secondaires ! Le Rat bleu, par exemple, garanti très doux par un maquignon allemand et en comparaison duquel les mustangs boucquans de Buffalo Bill ne sont que des engourdis, car il fait le gros des comme un chat, danse sur ses pieds de derrière comme une chèvre, tourbillonne comme un derviche tourneur, s’ouvre et se ferme comme un couteau de poche, met en pièces selle et bagages, toujours sans se fâcher ; et les pauvres broncos, si humbles, qui, gelés, affamés, succombant sous les fardeaux, tournent vers ces maîtres étrangers, auxquels ils se sont liés et qui les trahissent, des yeux aveuglés par la neige ; et la tragique exécution du vieux cheval blessé que l’on fusille pour ne pas le laisser aux loups ; enfin la conclusion du roman de Ladrone, le retour avec lui dans la ferme natale, la joie de lui montrer de la verdure, de l’herbe épaisse, de hautes meules de foin, une bonne écurie, de lui dire : — Nous sommes chez nous !

Joie de sauvage et d’enfant dont on ne peut sourire, car cet ami l’a porté à travers mille périls, sans qu’ait jamais bronché son brave cœur. Quel ami humain peut se vanter de cette constance silencieuse et désintéressée ?

Qu’on ne parle pas à Garland des milliers d’insensés qui attendent à Dawson, « la mâchoire béante, » que quelque chose arrive ! En les plantant là, bien avant d’être arrivé au bout de cette piste jonchée de chevaux morts, ensanglantée par les accidens et par les suicides, il éprouve un sentiment de délivrance.

Je crois qu’il dut ressentir quelque chose de semblable en quittant Paris au lendemain du Grand Prix, et en disant adieu à l’Europe, qui lui fait l’effet sans aucun doute d’un magasin d’antiquités. « Adieu, salons polis ! — Hommes polis, dames polies ! — Je vais gravir les montagnes — Et laisser sous mes pieds votre fourmilière ! » chantait avant lui Henri Heine. Seulement c’est la Plaine qui reprend Garland. Puisse-t-il lui rester fidèle !


TH. BENTZON.