nous dit Garland, comme se brisent les vagues sur la plage, mais la force qui les a provoqués n’est pas morte ; ils renaîtront sous d’autres formes, tant que dans le cœur de l’homme subsistera l’horreur de l’injustice.
En attendant, le romancier y voit un sujet de fiction aussi légitime et beaucoup plus neuf que n’importe quelle guerre ou quelle croisade. En quoi, il n’a certes pas tort.
Le début du livre suffirait à justifier son choix. Cela commence par des manifestations, mais si riantes et si poétiques ! Un pique-nique de fermiers réformateurs.
Sur le magnifique plateau que couvre la Prairie, dans l’Iowa, des douzaines de véhicules rustiques à quatre et six chevaux chargés d’hommes, de femmes, d’enfans, de jeunes filles, roulent entre deux marges de blés verts qui ondulent sous le vent. Ce vent très vif des plaines infinies agite aussi les bannières portant des inscriptions telles que celles-ci : Droits égaux pour tous ! Fraternité ! Par-dessus les obstacles, vers les étoiles ! Unis, nous sommes forts, divisés nous périssons, etc. Les maréchaux des différens groupes sont à cheval, beaucoup de fiancés se prélassent côte à côte, en buggy de louage, et l’air retentit de chants patriotiques : John Brown ou Hail Columbia. On atteint ainsi la zone boisée qui marque le bord de la rivière. L’élan de toute cette foule à travers la Prairie est rendu avec verve. Elle a mis pied à terre ; elle est groupée maintenant sous les grands chênes autour de la plate-forme où vont se faire entendre les orateurs du jour. D’abord une prière, comme au Congrès, puis le président explique l’origine et le but de cette association, jaillie du sol pour ainsi dire, répondant aux besoins d’une cause qui jamais jusque-là n’avait été plaidée. C’est le premier réveil du fermier opprimé et frustré de ses droits, et c’est par cela même un grand fait historique.
Rien que de calme et de rationnel dans la plupart des discours qui se succèdent, mais il y en a d’autres, et ce ne sont pas les moins applaudis, où la violence se déchaîne, où éclatent les cris : « A bas les classes moyennes ! A bas les vampires qui boivent la vie des travailleurs ! » Dans la ville voisine, des propres à rien aux mains blanches empêchent par leurs accaparemens les rapports