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permettent aujourd’hui à la plupart de ces navires de venir jusqu’à Bordeaux même.

Le mouillage abrité du Verdon, situé à la limite même de l’estuaire, immédiatement en retrait de la pointe de Grave, peut sans doute continuer à rendre de très précieux services ; mais les appontemens en rivière nouvellement créés à Pauillac constituent en réalité l’avant-port de Bordeaux, et paraissent destinés au plus brillant avenir. Magnifiquement installés en plein fleuve sur des fonds qui ont près de 8 mètres d’eau à haute marée, présentant sur leurs deux faces un développement de 750 mètres, ils permettent l’accostage des steamers du plus fort tonnage en pleine charge. Une vingtaine de grues hydrauliques, d’une puissance de 3 000 kilogrammes, y assurent la rapide manutention de toutes les marchandises que les voies ferrées de la ligne du Médoc peuvent conduire directement aux docks de Bordeaux. On évite ainsi les lenteurs, les dangers et les dépenses de toutes les opérations en rade ; on n’est plus soumis à la dure nécessité d’alléger les navires d’un trop fort tonnage, et dont le tirant d’eau ne permet pas de remonter en Gironde ; on évite aux voyageurs et aux marchandises la dure sujétion de tous les aléas d’un transbordement sur des gabares, des allèges ou de petits steamers de rivière. Pauillac doit donc être considéré comme un port auxiliaire de Bordeaux ; et sa situation est comparable à celle de Saint-Nazaire par rapport à Nantes, du Havre en amont de Rouen. Il deviendra certainement un jour le port avancé de la grande métropole girondine, ayant son rôle distinct, spécial, et ne pouvant en rien lui porter ombrage. Tout au contraire, il lui donne ce qui lui manque. C’est en quelque sorte une annexe ; il assure à la Gironde la fréquentation des gros steamers et des cargo-boats, qui auraient peut-être fini par l’abandonner. Les cuirassés de nos escadres eux-mêmes pourront y trouver, en temps de paix comme en temps de guerre, un abri très sûr et des conditions exceptionnelles pour l’embarquement et le débarquement des troupes et de leurs approvisionnemens[1].

IX

Il est sans doute peu de grands fleuves qui présentent de meilleures conditions d’entrée que la Gironde ; et, par un temps

  1. De Cluveaux. L’Appontement de Pauillac. Bordeaux, 1894.