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des vins exquis, insignis Baccho[1]. » La prospérité augmenta en réalité avec la servitude, et tout le monde paraît s’en être très bien trouvé. La ville s’agrandit et se transforma tout d’une pièce. Le Mont Judaïque, le Puy-Paulin, tout le quartier compris entre le quartier des Salinières et la route d’Espagne se couvrirent de maisons en briques, en pierre et même en marbre ; et l’un des premiers grands travaux exécutés fut, à travers la campagne, la construction d’un aqueduc, sous l’administration d’un magistrat municipal désigné sous le nom de prætor, ce qui donne à peu près la date du règne d’Auguste[2].

VI

Sept routes rayonnaient autrefois autour de Bordeaux : la route du pays de Buch et d’Espagne, que suivait à peu près l’aqueduc ; la route de Dax ; la route de Bazas, qui traversait les forêts de dunes ; la route de Toulouse, qui longeait la Garonne, la route du Nord, qui partait de la rive droite (faubourg actuel de la Bastide) et allait à Poitiers ; la route de l’Est, qui se détachait de la précédente et se dirigeait vers Lyon ; la route du Médoc enfin, qui aboutissait à Noviomagus (Soulac ?), vers l’extrémité de la rive gauche de la Gironde. Des monumens décoratifs, arcs de triomphe, pyramides, colonnes, ornaient çà et là la ville. La plupart des maisons étaient pavées en mosaïque, et les moindres fouilles que l’on fait encore aujourd’hui dans le centre populeux en mettent au jour des fragmens.

Comme toutes les villes romaines, Bordeaux devait avoir son jeu complet de monumens destinés au plaisir quotidien du peuple, amphithéâtre, théâtre, hippodrome Les deux derniers sont perdus, et on ignore même leur emplacement. Il n’est resté de l’amphithéâtre qu’une assez pauvre ruine, qu’on appelle le palais Gallien, pour rappeler peut-être l’époque un peu douteuse de sa médiocre construction en briques et grossier appareil ; elle est suffisante cependant pour permettre de rétablir les dimensions de l’édifice, et d’évaluer approximativement qu’il pouvait contenir de 15 000 à 20 000 spectateurs, comme les amphithéâtres de Nîmes et d’Arles. Par voie de comparaison, on peut donc estimer à 60 000

  1. Voyez Camille Jullian. Histoire de Bordeaux, depuis les origines jusqu’en 1895. Bordeaux, 1895.
  2. Voyez Inscr. Burdigal. Histoire de Languedoc, liv. II, ch. LXXVIII, note E. B.