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près de Lesparre, bien au Sud, par conséquent, de l’unique estuaire que nous voyons aujourd’hui, et il allait déboucher sur la côte de l’Océan dans les environs de Vieux-Soulac depuis longtemps disparu. Le nom de « chenal de Soulac » était donné à ce bras de la Gironde, et le géographe d’Anville le mentionne sur d’anciennes cartes et des portulans du XVIe siècle.

La presqu’île de Grave, d’ailleurs, n’est rattachée à la terre ferme que par un isthme très mince, une sorte de pédoncule de sable qui a failli être rompu bien des fois par les coups de mer ; et on sait, à n’en pas douter, qu’à une époque relativement assez rapprochée de nous elle était à peu près soudée au rocher de Cordouan : tout au plus en était-elle séparée par un canal très étroit et peu profond. Ce canal s’est peu à peu creusé. D’une part l’action des vagues, de l’autre l’affaiblissement général de la côte l’ont graduellement élargi et approfondi, et il est devenu le bras de mer que nous voyons aujourd’hui. Mais les anciennes cartes du XVIe siècle figurent, précisément à l’extrémité du territoire girondin, une grande île qui porte le nom de « Médoc. » En face de cette île, sur le continent, est dessinée la ville de Lesparre, baignée par les eaux du fleuve, qui se jette à la mer à peu près à cet endroit. Ces cartes ne sont sans doute que des images ; mais elles sont sincères et ne peuvent tromper sur la disposition essentielle des lieux. Or elles indiquent très nettement que la Gironde se divisait près de Lesparre en deux bras, dessinant par conséquent une sorte de delta. Ce delta sans doute ne s’est pas formé uniquement par voie d’atterrissemens et de dépôts à l’embouchure, comme on le voit pour tous les cours d’eau chargés de limon qui viennent mourir sans vitesse dans un bassin tranquille ; mais il n’en a pas moins existé, et l’île du Bas-Médoc a été en quelque sorte pour la Gironde ce que l’île de la Camargue est pour le Rhône.

II

Cette conception d’un delta à l’embouchure d’un grand fleuve qui déverse ses eaux dans une mer sujette à de fortes marées périodiques est, il faut en convenir, un peu contraire à toutes les théories des embouchures, si souvent développées par les géologues et les géographes.

D’une manière générale, en effet, les embouchures des fleuves se rattachent à deux types distincts.