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d’écroulemens. Arceaux et piliers cyclopéens léchés par l’écume des vagues, grottes et cavernes sonores dans lesquelles s’engouffrent les flots de tempête, découpent la côte de distance en distance et lui donnent un superbe relief, presque l’apparence d’un décor de théâtre. L’aspect est sans doute très pittoresque, mais les résultats désastreux. Plusieurs villages perchés sur la falaise ont déjà disparu ; d’autres sont encore menacés et ne doivent leur conservation qu’à des travaux de défense toujours précaires. En maints endroits, la falaise dérasée au niveau des plus hautes mers est réduite à un banc de roches sous-marines qu’on appelle un « platin, » et dont l’arête extrême marque la limite de l’ancienne rive à l’origine de notre période géologique.

Inversement la Gironde n’a cessé d’atterrir sur la rive opposée ; et au travail d’érosion sur la côte de Saintonge correspond un travail d’envasement et de colmatage sur la côte du Médoc. Celle-ci est plate et, le terrain marécageux. Des lagunes mortes s’étendent au loin dans la plaine ; elles sont aujourd’hui presque entièrement desséchées et écoulent leurs eaux dans le grand estuaire girondin, rappelant en miniature les grands polders de la Hollande, dont quelques-unes portent encore le nom. Les marais de la Petite Flandre, les palus de Saint-Vivien, la longue bande qui s’étend sur plus de 20 kilomètres du Verdon et de Soulac à By et à Lesparre, sont à peine conquis à l’agriculture depuis deux ou trois siècles. Les parties les plus élevées de ce « pays bas, » sillonné de larges dépressions et coupé d’une infinité de filioles, ne dépasse guère l’altitude de 8 à 10 mètres au-dessus du niveau des plus fortes eaux de la mer et de la Gironde. Le point le plus haut est le territoire de Jau ; son nom — Jovis insula — semble rappeler une ancienne consécration au maître des dieux, mais dont il est difficile d’expliquer la raison en l’absence de tout vestige de temple ou de construction antiques, à moins qu’on ne veuille y voir une sorte de reconnaissance de l’altitude relativement supérieure de cette partie de la plaine, presque partout régulièrement nivelée.

Le Médoc — qui constitue aujourd’hui une grande presqu’île et s’étend d’une part entre Bordeaux et la mer, de l’autre entre la Gironde et la région des Landes — a été longtemps, comme son nom semble l’indiquer, un territoire entouré de tous côtés par les eaux, in medio aquœ, à peu près séparé du continent par un ou plusieurs bras du fleuve. L’un de ces bras a passé très certainement