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cet étrange procédé dont il s’est avisé, apparemment pour donner l’illusion du parfait naturel ? Sous prétexte que dans l’ordinaire de la vie nous ne prononçons pas des phrases concertées et nettes comme celles que les écrivains de théâtre mettent dans la bouche de leurs personnages, il affecte d’hésiter, de se reprendre, de se répéter. C’est le balbutiement remplaçant le dialogue. On imitera M. Guitry, n’en doutons pas. Et la conversation de théâtre sera devenue quelque chose de tout à fait savoureux le jour où l’usage du bégayement se sera généralisé parmi les acteurs. Mme Raphaële Sisos, MM. Lerand, Nertann, Grand sont très suffisans. Mme Daynes-Grassot introduit dans l’ensemble une note fâcheuse de caricature.


Les auteurs de Petit Chagrin désarment par leur modestie. Ils se sont mis sous l’invocation de Murgeret de M. Donnay. Toute leur ambition n’a été que de nous donner une sorte de réplique des procédés familiers à ces maîtres. Ce sont des hommes qui savent borner leurs ambitions. Il faut les en louer. Petit Chagrin est le récit d’une rupture. Un jeune homme quitte une maîtresse irréprochable, pour faire un mariage avantageux. Il y a une scène de cabinet particulier dans un restaurant à la mode ; la scène est longue, mais on entend de la musique à la cantonade. Le Gymnase reste ainsi le « théâtre de Madame » offrant aux spectateurs des dernières semaines de ce siècle le divertissement qui leur convient. Le principal rôle est tenu par Mlle Yahne qui y a obtenu un grand succès.

Le Gymnase donne aussi une saynète de M. Tristan Bernard : les Pieds nickelés, fantaisie dans la tradition de Henry Monnier, qu’il eût mieux valu peut-être laisser sur la scène de quelque théâtre d’à côté où le cadre eut été mieux en proportion avec ce tableautin réaliste.


RENE DOUMIC.