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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

ne parler que des principaux, sont devenus des lagunes mortes à jamais séparées de la mer. Les navires n’ont donc rien de mieux à faire qu’à se tenir au large. Les anciens ports n’existent plus qu’à l’état de souvenir, presque de légende. Tout a été enseveli et sera oublié demain. De l’Adour à la Gironde, la côte déserte n’est qu’un long banc d’échouage.

X

De tous ces golfes perdus, un seul est resté, le bassin d’Arcachon. Il doit en partie le maintien de sa communication avec la mer à la rivière de la Leyre, le seul cours d’eau important qui traverse la région landaise, séparant les pays de Born, de Mimizan et de Marensin des landes du Médoc et de Bordeaux. La fertile vallée de la Leyre, avec ses petites sources assez nombreuses, ses champs cultivés, quelques prairies et d’assez beaux alignemens d’arbres fruitiers, contraste heureusement avec la grande steppe sablonneuse dont elle occupe le thalweg, et où rien ne repose et ne rafraîchit. On l’a quelquefois appelée le paradis des Landes ; paradis à la vérité tout relatif ; mais on ne saurait, dans ces déserts de sable, se montrer bien exigeant.

La Leyre est le Sigmatius ou Sigmatus des anciens. Ptolémée donne à peu près exactement les coordonnées de son embouchure dans le bassin d’Arcachon ; mais elle a quelque peu dévié depuis vers le Sud[1]. L’entrée du bassin a près de trois kilomètres de largeur entre le cap Ferret et le banc de Matoc, aujourd’hui soudé à la rive Sud et formant presqu’île. Cette coupure dans le cordon littoral est encombrée par des îlots sous-marins qui émergent en basses eaux et se réunissent en un seul, le long banc de Toulinguet qui barre alors complètement l’entrée, ne laissant que deux passes, l’une au Nord, rasant le cap Ferret, l’autre au Sud, rasant le banc de Matoc et la dune du sémaphore. La première est médiocre, diminue tous les jours de largeur et de profondeur par suite de la tendance du cap Ferret à progresser vers le Sud. Des relevés exacts permettent en effet d’établir que, de 1768 à 1826, c’est-à-dire dans moins de soixante ans, le cap Ferret s’est avancé de près de 4 500 mètres. Antérieurement à 1786, la pointe se trouvait au Nord du phare actuel d’Arcachon, qui se serait ainsi

  1. Σιγμάτου ποταμοῦ ἐϰϐολαί, 17°45° 20′, Ptol., II, VI, 2.