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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

la section de l’Adour, les eaux moyennes, et, à plus forte raison, les eaux de crue, arrivent sur la barre avec une force suffisante pour entretenir un sillon de 5 mètres de profondeur ; et en temps normal, sauf bouleversement accidentel du seuil sous-marin ou violence exceptionnelle de la mer, les navires portant plus de 2000 tonneaux et calant de 5 mètres à 5m, 50 peuvent, avec précaution, franchir la barre et remonter ensuite sans difficulté jusqu’à Bayonne. Le mouvement commercial maritime, qui ne dépassait pas, il y a quelques années, 150 000 tonnes, s’est élevé à plus de 600 000 ; celui de la navigation fluviale est représenté par 6 000 gabares et atteint près de 150 000 tonnes. Le trafic comprend, à l’entrée, des charbons anglais, des minerais de Bilbao que l’on brûle aux forges de l’Adour, à côté du Boucau, des blés des États-Unis, de la Russie et de la Turquie, des bois du Nord ; à la sortie, les bois et les produits résineux des Landes. Ce trafic paraît avoir atteint aujourd’hui son apogée ; il est entièrement subordonné d’ailleurs à la profondeur un peu variable de la passe sur la barre, qui tend à fermer l’entrée du fleuve. Le maintien de cette passe est la préoccupation constante des ingénieurs, l’objet d’une lutte presque quotidienne contre un ennemi qui ne désarme pas, mais qu’on espère pouvoir toujours dompter[1].

VII

De l’embouchure de l’Adour à celle de la Gironde, on ne compte pas moins de 230 kilomètres de plage sablonneuse, presque rectiligne, d’une implacable monotonie. À peu près vers le milieu, à 110 ou 120 kilomètres environ de chaque estuaire, une seule grande échancrure coupe le cordon littoral des dunes et donne accès au bassin d’Arcachon. Il n’existe nulle part en France, ni même en Europe, un pareil alignement de côtes sans relief, sans rade, sans baie hospitalière, sans refuge assuré. Au-dessus de la bande plate du rivage émergent, de distance en distance, quelques noires membrures de bateaux naufragés, à moitié enterrés dans le sable, contre lesquels les vagues continuent à briser et qu’elles endettent pièce à pièce. Un certain nombre d’amers

  1. Cf. Prony et Sganzin, Rapport à l’empereur Napoléon Ier sur les travaux d’amélioration du port de Bayonne, 1808 ; Bouquet de la Grye, Instruction pour aller chercher la barre de Bayonne, 1877 ; Descande, Quelques observations sur les travaux de la barre de l’Adour, 1883 ; Daguenet et Aube, Port de Bayonne, op. cit.