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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

l’Adour. Cette fosse constituait une sorte de rade ou de port de refuge, où les navires battus par les vents du large pouvaient trouver un calme relatif et même, à la rigueur, s’échouer sans trop de dommages sur la plage sablonneuse. « Les rivières de l’Adour, Gave et Nive, peut-on lire dans le rapport des commissaires chargés en 1491, par lettres patentes du roi Charles VIII, de recueillir les doléances des habitans de Bayonne au sujet de l’instabilité et de l’encombrement de l’embouchure de l’Adour, « tomboient ensemble à la grand’mer, auprès de Capbreton, troys lieues au-dessoult de la dicte ville et cité… mais puis naguères l’eaue doulce est éloignée de la dicte grand’mer… La mer ne rompt point et ne tempeste point icy comme fait ailleurs… C’est un lieu de grande paisibilité… Les pêcheurs, quand leur survyent quelque tempeste et ne peuvent entrer au boucauit de Bayonne, se rendent à terre aisément et sans aucun périlh au dit Gouff… et c’est leur refuge en temps de tempeste[1]. »

Cette situation avait même donné pendant quelque temps à Capbreton une importance assez considérable. À la fin du XVe siècle, la petite ville, qui n’a plus aujourd’hui que 1 500 habitans, ne comptait pas moins de 8 000 âmes. C’était un quartier de vaillans et d’hommes de cœur ; et l’an 1497, presque à la même époque où Christophe Colomb découvrait, dans l’archipel de la Louisiane, les premières îles occidentales de l’Amérique, les marins du Gouff, poussés par l’esprit d’aventure, reconnaissaient la côte du Canada, où l’île de Capbreton, à l’entrée du golfe du Saint-Laurent, a conservé le nom et les souvenirs de la mère patrie.

Dans cette marche vers le Nord, directement opposée à celle du courant littoral, dont il était séparé par une barrière de dunes, l’Adour est allé plus loin encore, à près de 15 kilomètres de Capbreton, jetant d’abord ses eaux dans l’étang de Soustons et empruntant l’un de ces petits canaux que l’on désigne sous le nom de « courans » ou de « fuyans, » et qui mettent en communication avec l’Océan le chapelet des étangs littoraux. L’Adour débouchait alors au Vieux-Boucau, au milieu de mares d’eau d’une profondeur et d’une étendue très variables. En prolongeant ainsi son cours, le fleuve diminuait naturellement sa pente et sa vitesse. L’encombrement des sables du Vieux-Boucau en rendait souvent l’entrée impossible. Le « courant » s’obstruait plusieurs fois par

  1. Daguenet, Renseignemens historiques sur Capbreton, Ports maritimes de la France, t. VI, 1887. Ministère des Travaux publics.