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CÔTES ET PORTS FRANÇAIS DE L’OCÉAN

son cours, pénétrant dans l’une des plus belles vallées des Pyrénées aux riches gisemens métallurgiques de tout temps exploités, et recevant de distance en distance les eaux bouillonnantes de magnifiques affluons torrentiels, était certainement connu et navigué dès l’époque de la conquête. On l’appelait indifféremment l’Atyr, l’Atur, l’Æturis, l’Aturus : Ptolémée et les géographes classiques mentionnent assez exactement son embouchure, et elle devait différer assez sensiblement de celle d’aujourd’hui[1].

Le courant littoral qui longe la côte des Landes du Nord au Sud, depuis la pointe de Grave, à l’embouchure de la Gironde, jusqu’à l’estuaire de la Bidassoa, a eu pour effet de modifier bien souvent la direction de tous les émissaires qui écoulent à l’Océan les eaux continentales. Les vagues des tempêtes bouleversent profondément le fond très mobile de la mer ; le flux et le reflux le remanient sans cesse jusqu’à une distance du rivage de plusieurs centaines de mètres. Le sable tenu en suspension chemine ainsi lentement, mais avec une continuité que rien n’arrête par aucun temps. La moindre vague qui déferle sur la plage y jette avec son écume une partie des matières arénacées qu’elle a arrachées à la côte, et la reprend presque immédiatement pour l’étaler de nouveau sur cette bande du rivage tour à tour noyée et découverte par le flot et qu’on appelle l’ « estran. » La conséquence de ce va-et-vient perpétuel, de ce cheminement continu de millions et de millions de molécules infiniment ténues, qui ont une tendance générale à se diriger vers le Sud, est de provoquer le comblement de tous les estuaires, de favoriser la formation de flèches de sable et de cordons littoraux parallèles à la côte, et surtout de donner à toutes les embouchures une très grande instabilité ; et il faut des travaux artificiels solidement enracinés et régulièrement entretenus, — estacades en charpente, môles en maçonnerie, jetées et brise-lames en blocs artificiels, — pour maintenir toujours navigables les passes des cours d’eau et leur donner une certaine fixité. C’est à peu près ce qui a lieu aujourd’hui.

Comme tous les fleuves d’un assez long parcours, l’Adour charrie en temps de crue des masses énormes de sables et de graviers. Ces sables et ces graviers s’arrêtent et échouent pour ainsi dire à l’embouchure. Le dépôt qui se forme ainsi est ce qu’on appelle la « barre, » bourrelet en général demi-circulaire, seuil

  1. ripas Aturi, Lucain, Phars., I. v. 420 ; Tarbellicus ibit Aturus, Ausone, Mosella, v. 467 ; Ἀτούριου ποταμοῦ ἐϰϐολαί, Ptol., II, VII, 2.