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la petite ville littorale dont le nom a conservé une physionomie basque très accentuée et la magnifique plage qui a fait depuis sa fortune. Comme tous les havres de la côte cantabrique, Biarritz arma longtemps pour la pêche de la baleine, dans le golfe de Gascogne d’abord, plus tard dans les eaux d’Islande et du Spitzberg. Les maisons des pêcheurs étaient alors groupées sur le plateau de l’Atalaye, qui domine une immense mer. Au centre se dressent encore les ruines d’un vieux château fort qui date de l’occupation anglaise, et d’une tour d’observation où l’on allumait des feux pour signaler aux barques l’entrée de deux petites et mauvaises criques, toutes deux d’un mouillage très médiocre, découvrant à mer basse, encombrées de rochers et d’écueils, contre lesquels brisent les vagues, agitées par un clapotis incessant, même pendant les beaux jours. À la base de la falaise escarpée, le flot des tempêtes s’engouffre en hurlant dans des cavernes béantes, ouvertes comme les gueules de monstrueux cétacés échoués à la côte et en ressortent ensuite en prodigieux vomissemens, en jets superbes, qui escaladent la roche à pic et retombent avec fracas de plus de 30 mètres de hauteur. Nulle part, la côte de l’Océan ne présente de spectacle plus imposant ; et à cette féerie grandiose et quelquefois terrible s’ajoute le charme d’un climat incomparable, d’une atmosphère limpide imprégnée de la vivifiante salure des eaux marines, d’un horizon merveilleusement étendu, se perdant au Nord dans l’infinie profondeur de la mer et du ciel, permettant, du côté de la terre, de découvrir les sommets neigeux de la chaîne pyrénéenne et l’élégante silhouette, finement adoucie et azurée par la distance, des côtes de la Biscaye et du Guipuzcoa.

Admirable pour l’artiste et le baigneur, le port de Biarritz est en réalité déplorable pour le commerçant et le marin. Battu de trois côtés par les vagues, le promontoire de l’Atalaye présente une série d’anfractuosités et de caps entre lesquels s’enfoncent les deux petites criques qui ont constitué longtemps à elles seules un abri assez médiocre. Ces deux bassins naturels, dans le fond desquels se trouvaient deux mauvaises cales d’échouage, sont précédés et entourés de roches déchiquetées et d’écueils tour à tour apparens ou cachés, suivant la hauteur de la mer, mais dont l’approche, délicate par tous les temps, est très dangereuse dès que le vent souffle avec quelque violence du large. Des travaux considérables ont été faits pour améliorer cette situation par trop primitive, et les ingénieurs ont, à grand renfort de blocs artifi-