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La consultation qui eut lieu entre les médecins anglais ne dissipa point leur incertitude, quant aux causes du mal dont un précoce épuisement, visible à l’altération rapide des traits, et à l’amaigrissement non moins inquiétant du corps, attestait la gravité. Ils ne purent dire si, comme on l’avait cru jusque-là, les malaises dont la jeune femme se plaignait étaient dus à un commencement de grossesse. Ils prescrivirent des remèdes sans en attendre de grands résultats. A leur avis, il n’en était pas de plus efficace que l’air natal, et ils conseillaient un retour immédiat en France.

C’était aussi l’opinion de Dubois. En apprenante Paris la maladie de la duchesse, il donna le même conseil, et sous la forme la plus pressante. Convaincu que Decazes n’hésiterait pas à le suivre, et se mettrait en route aussitôt après avoir lu sa lettre, il fit le voyage de Calais afin de recevoir la malade à la descente du bateau et de la ramener à Paris. M. et Mme de Sainte-Aulaire partirent avec lui. Mais, en arrivant à Calais, ils n’y trouvèrent que le docteur Bertin. Ils surent par lui que les médecins anglais, tout en étant convaincus que la duchesse devait revenir à Paris sans tarder, ne voulaient pas la laisser se mettre en route par le froid rigoureux qui sévissait alors. Ils avaient exigé qu’elle attendît une température moins inclémente. Bertin s’était rendu à Calais pour soumettre à Dubois la consultation et conférer avec lui, s’il refusait de pousser jusqu’à Londres, ainsi que devait le faire craindre l’horreur insurmontable que lui causait la perspective d’une traversée.

Dubois approuva tout ce qu’avaient fait et décidé ses confrères. Il confirma leurs dires en ce qui touchait la nécessité d’un prompt retour en France. Il fallait profiter de la première accalmie du temps pour l’effectuer. Le salut était là et rien que là. Il le dit à Bertin, le répéta aux parens de la duchesse, sans leur dissimuler d’ailleurs qu’à s’en rapporter aux médecins anglais, il n’y avait pas grand espoir de la conserver. Il retourna ensuite à Paris, tandis que M. et Mme de Sainte-Aulaire, en proie à d’affreuses angoisses, s’embarquaient pour Londres avec Bertin, convaincus qu’ils en reviendraient bientôt en ramenant leur fille morte.

Ils trouvèrent celle-ci moins gravement atteinte qu’ils ne l’avaient craint, et Decazes cependant plongé dans la douleur. Souffrant lui-même et prompt à s’alarmer, il n’espérait déjà plus, quoique le docteur Holland s’efforçât de le rassurer en lui disant que la