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d’un ministère présidé par M. Waldeck-Rousseau, nous conduiraient à ce résultat. Il faut bien se rendre à l’évidence. Quant à nous, qui tenons à la République et qui nous préoccupons de tous les dangers qui la menacent, nous croyons qu’on a démesurément grossi les uns et rapetissé les autres. En admettant qu’on ait conjuré les premiers, qu’a-t-on fait contre les seconds, contre ceux qui viennent du socialisme grandissant et de l’anarchie ? Ce sont les plus redoutables, et, si la République devait être un jour compromise, ce serait par eux. Pourtant on s’obstine à ne pas les voir, et c’est ce qui fait la gravité de la situation présente.

En 1884, il y a quinze ans, M. Waldeck-Rousseau était ministre de l’Intérieur, et il discutait devant la Chambre une loi contre les manifestations sur la voie publique. Tous ses amis de maintenant la combattaient. Mais lui, portant un regard plus large et plus libre qu’aujourd’hui sur tous les points de l’horizon, s’écriait : « Quand on nous dit que le drapeau blanc arboré dans l’Ouest, que le drapeau rouge arboré à Bessèges… ne sont que des incidens de minime importance, qu’il ne faut pas leur attribuer une portée exagérée, je crois qu’on fait trop bon marché des impressions directes qui ont été produites par ces actes. » Il s’inquiétait déjà du drapeau blanc, et les radicaux lui reprochaient ironiquement d’en montrer trop de frayeur ; mais il s’inquiétait aussi du drapeau rouge, et il ne croyait pas que le péril fût d’un seul côté. Au Waldeck-Rousseau d’à présent nous opposons celui d’alors : nul n’a mieux parlé de ces « impressions directes » que les foules subissent, et qui ne les précipitent en avant que pour les ramener bientôt en arrière par une inévitable réaction.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.