Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre, c’est une manière détournée, oblique, et par conséquent peu loyale de violer une liberté. Il y a, nous le savons, d’autres projets, dus à l’initiative parlementaire, qui cherchent à atteindre le même but d’une manière plus habile. M. Sauzet, par exemple, a proposé de terminer les études secondaires après la rhétorique, et d’obliger les jeunes gens qui se destinent aux carrières publiques à faire leur philosophie, ainsi que leurs autres études préparatoires, dans les facultés de l’État, ou dans de nouvelles écoles que l’État instituerait. C’est le même esprit et, au fond, le même procédé que dans le projet ministériel. Tout le monde sait, d’ailleurs, que la classe de philosophie est précisément celle qui provoque dans les familles le plus de préoccupations et de scrupules, ce qui a toujours été légitime, mais ce qui l’est encore plus aujourd’hui qu’il n’y a plus une philosophie officielle, orthodoxe, inoffensive, et qu’une indépendance d’esprit presque illimitée est laissée au professeur. Nous ne nous plaignons pas de cet état de choses ; nous demandons seulement qu’on en accepte les conséquences, qui sont de donner pour contre-partie à la liberté du professeur celle de la famille. Si la première est respectable, la (seconde est sacrée. En somme, la proposition de M. Sauzet ne se distingue de celle du gouvernement que par un point ; en faisant commencer l’enseignement supérieur à la philosophie, elle soumet la liberté de l’enseignement supérieur à la même restriction que le projet ministériel impose à la liberté de l’enseignement secondaire. Et ceci ne vaut pas mieux que cela.

Nous ne pouvons donner, sur tous ces projets, que des indications sommaires et rapides, alors que chacun d’eux mériterait une étude approfondie : il est d’ailleurs probable que nous les retrouverons souvent. A son œuvre de défense républicaine, qu’il poursuit par des perquisitions inutiles et par des procès maladroits, le gouvernement a voulu ajouter une œuvre législative, Les radicaux et les socialistes lui en feront sans doute de grands complimens ; il ne trouvera pas un vrai libéral pour la voter.

Sortons du monde politique professionnel pour regarder la foule, la vraie foule, et en particulier celle de nos grandes villes. Il serait surprenant que tant de suggestions malsaines qui lui viennent d’en haut n’aient pas agi en elle comme un ferment énergique et brutal, et c’est effectivement ce qui est arrivé. Nous parlions, il y a un mois, des fêtes de Lille où la sarabande radicale, socialiste, maçonnique, etc., s’est déroulée autour de M. Millerand. Le gouvernement en avait éprouvé quelque gêne : après tout, disait-il, M. Millerand seul a pris