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En ce qui concerne l’agent électrique, le courant, la grandeur de l’effet qu’il produira dépend de la quantité d’électricité évaluée en unités, coulombs, qu’il mettra en jeu.

En ce qui concerne l’électrolyte, il n’intervient que par son poids moléculaire ; l’effet ne dépend pas de sa nature ou de son espèce. Une même quantité d’électricité (représentée par 96 600 coulombs) décompose exactement une molécule (poids moléculaire exprimé en grammes) d’un électrolyte quelconque[1]. On pourrait donner encore une autre forme à cet énoncé en disant que toute molécule, quelle qu’elle soit, exige la même quantité d’électricité (96 000 coulombs) pour être électrolysée, c’est-à-dire disloquée en ses ions. C’est là une loi remarquablement simple.

Deux autres lois, la loi de la Force électromotrice et la loi de Sprague complètent l’ensemble de nos connaissances sur l’électrolyse. Il n’entre pas dans notre objet d’en parler ici. Nous devons nous borner à ce qui est indispensable à l’intelligence de la théorie des Ions d’Arrhénius.


V

Connaître à fond le phénomène de l’électrolyse, ce serait pénétrer ipso facto la constitution intime des électrolytes, c’est-à-dire d’une classe immense de composés chimiques, puisqu’elle comprend les dissolutions des sels et des acides et des bases. La théorie des ions prétend nous apporter cette connaissance.


La première tentative de théorie remonte à Grotthus, en 1805. L’auteur se proposait de rendre compte du fait le plus saisissant de l’électrolyse, c’est, à savoir : que pendant le passage du courant, les élémens électrolytiques n’apparaissent qu’aux électrodes, tandis que la portion du liquide interposé ne manifeste aucun changement apparent. Ce dégagement des deux élémens constituans, l’un à un bout de la cuve et l’autre à l’autre bout, est en effet caractéristique.

On sait l’explication de Grotthus, puisqu’elle est encore enseignée partout. Il imagina, au résumé, que l’électrolyte est composé de

  1. Il faut avoir soin de prendre pour poids moléculaire de l’électrolyte, le nombre de grammes qui répond à une seule molécule du radical, ou mieux, le quotient du poids moléculaire par la valence. Ce n’est donc pas tout à fait le poids moléculaire des chimistes ; c’est un nombre qui est dans un grand rapport de simplicité avec celui-là. Kohlrausch appelle cette molécule molécule électro-chimique, pour tenir compte de cette différence.