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hypothèse scientifique. On ne saurait exiger qu’elle représente d’ores et déjà la formule définitive et invariable de la vérité. Elle est seulement un moyen de la préparer. C’est une construction d’attente, un échafaudage provisoire, indiquant plus ou moins vaguement la forme et les aspects du monument véritable. Elle doit remplir, pour être justifiée, des conditions précises, dont la première naturellement est de ne se trouver en contradiction avec aucun fait positif ; et la seconde d’être féconde, c’est-à-dire de suggérer et faire découvrir des faits nouveaux, d’expliquer et de coordonner des faits déjà connus et restés sans lien. Son utilité lui fait alors pardonner de n’être qu’une vue partielle de la vérité, à laquelle l’esprit humain ne peut atteindre que par des approximations successives.

La théorie des Ions remplit-elle ces conditions ? C’est ce que nous avons à voir.


I

Les ions sont une espèce particulière d’atomes et de molécules. — Ce sont des atomes ou des molécules passagèrement chargés d’énergie électrique, enveloppés comme on dit encore, par image, d’une atmosphère d’électricité. Sans doute, les atomes et les molécules que la physique et la chimie ont considérés jusqu’ici sont aussi des masses matérielles imprégnées d’énergie, puisque l’on ne peut concevoir la matière sans l’énergie que par un pur artifice de l’esprit. Ce qui caractérise l’ion, c’est la spécificité de cette énergie, qui est l’électrique. Or, comme les formes de l’énergie se changent les unes dans les autres et que les phénomènes de l’Univers ne sont autre chose que ces mutations, il arrive nécessairement que les ions se changent en atomes et molécules ordinaires ; et c’est là leur premier caractère. Inversement, les atomes peuvent se changer en ions et aussi les molécules, mais seulement, pour ces dernières, sous certaines conditions que l’expérience a fait connaître.

Il est déjà clair, par cela même, que l’on ne peut pas demander aux ions les propriétés et les caractères des molécules ordinaires, puisque ce sont des molécules mises en état spécial, électrique : c’est, par conséquent, une bien vaine contestation, des adversaires de la théorie, que de prétendre que les ions n’existent pas dans tel ou tel cas déterminé, que par exemple il n’y a pas d’ion de chlore (de chlorion) dans une solution étendue d’acide chlorhydrique, parce que l’on n’y constate point les propriétés du chlore ordinaire, des atomes et molécules ordinaires.