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publicistes ou de leurs orateurs ou de leurs journalistes, mais je dis de leurs poètes ou de leurs romanciers, ç’a été à peu près uniquement de se consacrer au Risorgimento. J’ouvre au hasard une histoire de la littérature, et j’y cherche quel est aux yeux de la critique italienne le grand titre de gloire d’Ugo Foscolo : c’est, en écrivant son poème fameux des Tombeaux (ISepolcri), d’avoir éveillé, dans l’âme somnolente des Italiens de 4806, le ressouvenir de leurs morts illustres, et ainsi travaillé à la régénération nationale. Tournons la page : connaissez-vous G. Giusti ? Sa gloire, qu’on entretient dans les écoles, est d’avoir fait de la satire : un mezzo di combattimento contro le signorie italiane e l’oppressione straniera, de même que le principal mérite de Gabriel Rossetti est d’avoir travaillé par ses chants à l’indépendance et à la liberté de l’Italie. Pareillement, quelle est la valeur des romans historiques de Massimo d’Azeglio, de son Ettore Fieramosca ou de son Niccolo de Lapi ? Ils ont renouvelé dans la mémoire des Italiens le souvenir de deux glorieux faits d’armes. Et de ceux de Domenico Guerrazzi ? Furono strumenti d’agitazione e di combattimento contro gli stranieri : voilà ce qu’il faut penser de sa Battaglia di Benevento ou de son Assedio di Firenze. Mais encore que nous dira-t-on du théâtre, et, par exemple, des tragédies d’Eduardo Fabbri ! On nous en dira qu’elles sont pleines « d’ardeur patriotique, » et que d’ailleurs Fabbri « a pris sa part de tous les mouvemens politiques qui ont eu lieu de 1815 à 1849. » Et si nous sommes curieux de savoir quel est le solide fondement de la réputation de Giambattista Niccolini, c’est que dans son théâtre : Si fece banditore di politica unitaria ed antipapale. On le voit, c’est un parti pris, c’est un système, ou plutôt et mieux encore, c’est la reconnaissance de ce que la « littérature » italienne a fait pour la grandeur, pour la gloire, pour la continuité de la patrie. La littérature italienne a maintenu, sous la domination étrangère, ce que l’on pourrait appeler l’identité de l’âme italienne. Et on pense bien qu’elle ne l’a point fait, malgré les apparences, en se mettant à la remorque des littératures étrangères, mais au contraire, et plutôt, en se retranchant les communications qu’elle avait entretenues depuis quatre ou cinq cents ans avec elles.

On peut aller plus loin encore, et, en effet, dans la seconde moitié de ce siècle, ne semble-t-il pas que la « littérature » ait intellectuellement créé la nationalité « Scandinave ? » Suédois,