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mendiant nommé Bimbit. Pas beaucoup plus grand qu’un nain, avec une tête grosse comme le poing, deux dents de rat qui ricanent, et deux petits yeux qui saignent, sous un éternel bonnet de coton, Bimbit parcourt la ville, sinistre et sautillant. Il se met en route dès le matin, suit les voitures, fait le fou, taquine les filles, ramasse du crottin, demande l’aumône à l’entrée de l’église, à la porte de laquelle il se plante douloureusement, et rentre avec ses sous chez la vieille, qui le couche au fond du rocher. Une inspectrice de l’Assistance vint un jour voir l’enfant de l’Administration, et Bimbit, en la voyant, tombait à genoux, frappé d’éblouissement, en ôtant son bonnet de coton… Elle lui faisait l’effet d’une grande dame, et il l’avait prise pour la mère, car Bimbit croit très naïvement que tous les petits bâtards placés dans les campagnes sont des enfans de marquises, de duchesses et de princesses du sang…

On retrouve en petit, dans ce petit faubourg, toutes les tares, toutes les vagues industries, tous les vagabondages qui égaient ou déshonorent les bas-fonds des villes. Je passe, en revenant, devant une vieille tourelle lézardée, une sorte d’ancien pigeonnier en ruine, et je lis sur la porte, inscrit à la craie, — Auberge du Pou Volant— ! C’est le refuge de nuit du bourg. Je vais ensuite à une grotte voisine, où retombent des lierres et des liserons, et me voilà dans une guinguette souterraine… J’entre, et je ne vois d’abord personne. Mais j’avance de quelques pas, et j’aperçois alors tout au fond, autour d’une bougie plantée dans une bouteille, une ombre d’homme et une ombre de femme attablés à un tonneau. Ils boivent tranquillement là au irais, dans le petit bruit doux des suintemens qui dégouttent, sous les circuits des chauves-souris, et ils ont l’air, autour de leur bougie, de boire autour d’une étoile.


IX

Brantôme vous laisse comme un souvenir d’eau-forte. Souvenirs du paysage, qui ne ressemble à aucun autre, et qui est cette chose si rare, un paysage original ! Vous pourrez voyager beaucoup, vous ne verrez pas souvent ailleurs ces prairies accidentées, cette rivière qui coule et dort, et toutes ces petites cascades d’argent, ces moulins qui chantent, et ces grandes roches de légende dans cet encadrement de pastorale ! Souvenirs du