Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 156.djvu/638

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sac, jeter les religieuses dans la rivière. On n’en fit rien, heureusement, mais toutes ces sorcelleries, ou pseudo-sorcelleries, n’en finirent pas moins par l’interdiction de l’école. L’autorité municipale la ferma, les parens retirèrent leurs enfans, et les infortunées Sœurs, obligées de quitter le pays, durent se sauver dans leur communauté. C’était peut-être tout ce qu’on cherchait.

Depuis, elles ont rouvert l’établissement, et les pierres n’ont plus reparu, mais personne n’a jamais pu dire comment elles étaient tombées. C’était, évidemment, par une de ces supercheries fort simples ; et qu’on ne découvre pas, précisément parce qu’elles sont simples, mais ces hypothèses-là sont les dernières auxquelles, généralement, on pense dans les petits pays. On y a toujours une extraordinaire vivacité de vision, d’où sont toujours venues beaucoup de légendes, et c’est encore là, d’ailleurs, un effet de cette petite vie où l’imagination elle-même se contente d’un petit budget. C’est aussi un peu le phénomène de la mystérieuse sonorité des églises, où le plus léger froissement se répercute, dans le silence, en gémissemens prodigieux.


VIII

L’un des caractères de Brantôme est dans la grande quantité de grottes et de cavernes qui l’encadrent. Les unes contiennent des carrières, d’autres sont plantées en décor d’opéra, et d’autres sont habitées. Celles-là, nous l’avons dit, forment tout un faubourg, et la visite aux habitans de ce quartier n’est pas la moins curieuse qu’on ait à faire dans la ville.

L’un de ces logis pratiqués sous la roche, et que ses habitans me laissent voir sans difficulté, se compose de deux pièces superposées, un grand bûcher en bas et un grand taudis au-dessus. En bas, dans le bûcher, on aperçoit des fagots, des chiffons, des tas de ferraille, des scies à pierre ; en haut, dans le taudis, quatre grabats défaits, ignobles, défoncés, sous un plancher bas et noir auquel pendent des faucilles, des lignes de fond, des collets, du lard et une paire de bottes. Ils couchent huit dans ce grand galetas, le père, la mère, trois filles, deux fils, et un enfant trouvé de Périgueux, mis en pension là par l’Administration. Le père est croque-mort, la mère « fait des journées, » l’un des fils travaille la terre « au tiers, » l’une des filles « se loue, » et le reste va mendier aux enterremens et aux noces. Comptez cependant