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républicaines à la mode. Le curé, en dehors de son ministère, s’occupe d’archéologie locale, et consacre à des recherches sur la ville, ou même à des essais de restauration assez heureusement tentés, le temps que lui laisse la paroisse. Les relations, d’ailleurs, entre la mairie et la cure, sont aigres-douces, et l’anticléricalisme, on s’en doute, s’est infiltré à Brantôme comme partout. Néanmoins, et des deux côtés, l’esprit du pays n’est pas violent. L’administration communale n’accepte pas l’école des Sœurs de bon gré, mais l’accepte. Des chansons et des poésies assez vives circulent aussi parfois contre le maire, mais les choses ne vont jamais loin, et les rapports restent polis. Le curé, homme fort respectable, tient beaucoup à ne pas manquer de correction, et l’autorité municipale lui en sait gré, en laissant chaque dimanche l’institutrice « laïque » assister à la messe avec ses élèves. Quant aux autres autorités, juge de paix, receveur, percepteur, agent voyer, chacun s’acquitte, dans sa sphère, de sa mission ou de sa besogne, avec la familiarité, les loisirs et la petite politique des petits endroits. Enfin, et comme autres cadres sociaux moins définis, quoique d’une importance égale, il faut aussi compter deux ou trois vieilles familles d’ancienne bourgeoisie brantômaise restées debout dans la population comme les deux ou trois beaux morceaux d’architecture bien conservés du pays le sont restés dans la ville, deux ou trois autres familles également bourgeoises mais brantômaises d’accession, et les quelques professions libérales, ou quasi libérales, de la localité, c’est-à-dire trois médecins, un notaire, un huissier, et deux pharmaciens.

Viennent, après cela, les petits bourgeois, les boutiquiers, et quelques ouvriers à moitié paysans. Parmi les commerçans, deux seulement « font des affaires, » et sont deux marchands-drapiers dont les deux magasins tranchent, par leurs beaux étalages, sur les petites boutiques d’à côté. Les sabotiers sont une des spécialités de l’endroit, et l’on n’y fait guère cent pas sans y rencontrer, sur une échoppe, la guirlande de sabots qui désigne une saboterie. De même aussi les ébénistes. Vous remarquez, au-dessus d’une porte, un bouquet desséché auprès d’un écriteau où se lit une dédicace à sainte Anne. C’est la porte d’un ébéniste, et vous apercevez un certain nombre de ces portes-là. Les autres ouvriers travaillent aux carrières en exploitation dans les grottes, ou à la carderie établie sur la rivière, près du pavillon Renaissance, dans le bâtiment d’un ancien moulin. Enfin, ajoutez encore