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que dit-elle ?… Ce qui vous frappe le plus, dans toutes ces figures, c’est ce qu’elles ont de fruste et de caricatural dans le sinistre. On dirait des pétrifications de cadavres retrouvés là après des siècles, avec leurs contorsions grimaçantes, ou de ces simulacres étranges comme il en roule dans les nuages. Et puis, en approchant, on finit, à la longue, par distinguer comme un Père Éternel dans la figure dominante, un squelette dans celle qui brandit la massue, une tête de femme dans la tête de sauvage, une couronne d’ossemens dans la couronne de plumes, et des bonnets du moyen âge dans les figures inférieures… Qu’était donc cette composition ? Qu’était aussi cette caverne ?… C’est ce que les archéologues voudraient toujours expliquer, mais tout ce qu’on en sait de plus certain, c’est que la mairie, à présent, y remise le matériel de la fête nationale, et donne là, tous les ans, pour le comice, des banquets où l’on boit au Gouvernement.


V

Quel peut bien être, maintenant, sous ce Brantôme ancien, le Brantôme intime et moderne ? Quelle est la vie locale, industrielle, commerciale, sociale, économique, populaire, dans ce coin de France tombé à l’état de limbe cantonal ?

Plus particulièrement encore que dans d’autres localités, d’importance administrative analogue dans la mécanique centralisatrice, la vie, à Brantôme, n’est plus qu’un vivotement. A vingt ou vingt-cinq kilomètres de tout chemin de fer, et privée forcément d’une circulation commerciale active, la ville a quelque chose d’éteint, et comme d’arrêté. Elle fait penser à ces vieilles horloges qui ne sont plus là que pour l’ornement, et le petit tramway à vapeur a lui-même l’air d’un bibelot. La population est d’environ quinze cents âmes, et végète sans bruit, sur le seuil de ses petites maisons, dans ses petites rues tournantes, où les passans, qui ont un fond d’accent gascon, se connaissent à peu près tous. Les cadres sociaux, à Brantôme, ou ce qu’on pourrait appeler de ce nom, sont ceux du chef-lieu de canton ordinaire, et se composent, ou à peu près, du maire, du curé, du juge de paix, du percepteur, d’un receveur des domaines, d’un agent voyer. Le maire, par sa particule, et la sonorité méridionale de son nom, paraît appartenir, et appartient, je crois bien, à une vieille famille de petite noblesse locale, mais n’en a pas moins les opinions