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dans l’ibérique, les mariages sont féconds ; le fléau de la stérilité volontaire presque inconnu ; l’autorité des parens est respectée, le lien qui unit entre eux les divers membres de la famille est très fort[1]. La delinquenza particulière à l’Italie et à l’Espagne atteste plutôt une fausse idée de l’honneur, un reste de barbarie, une misère plus grande, qu’une radicale perversion des mœurs.

Il n’en est pas moins vrai que, la criminalité immorale elle-même augmentant en Italie et aussi en Espagne, un tel état de choses devrait préoccuper davantage ceux qui ont le souci de l’avenir. Mais quelle est la nation en Europe qui pourrait jeter à l’Italie la première pierre ? Par million d’habitans, il y a en Italie 45 suicides contre 392 en Saxe, 198 dans le Wurtemberg, 166 en Prusse ; 2 444 vols contre 2 608 en Angleterre et dans le pays de Galles et 4 236 en Écosse. Sur 1 000 naissances, l’Italie en compte 73 illégitimes, la Saxe 127, la Suède et le Danemark 101. En 1885, il y a eu en Prusse 230 707 mariages et 3 902 divorces ; en Italie, 233 931 mariages et 556 divorces. Si les meurtres sont plus nombreux en Italie qu’ailleurs, les Italiens l’attribuent à la fougue de leur tempérament et à l’antique habitude de la vengeance, qui finit par être considérée comme un devoir.

Non seulement la criminalité a augmenté aussi en France, — on sait dans quelles proportions inquiétantes, — mais elle s’est accrue de même chez les peuples germaniques et anglo-saxons. En Hollande, les délits commis par les enfans au-dessous de seize ans ont doublé depuis vingt ans. En Allemagne, d’après la statistique de l’Empire, de 1888 à 1893, le nombre des condamnés de tout âge s’est élevé de 21 pour 100, et celui des adolescens entre douze et dix-huit ans, de 32 pour 100. Tandis que l’accroissement de la population allemande était de 25 pour 100, celui du crime juvénile était de 50 pour 100. Quant aux Anglais, ils ont une catégorie de jeunes criminels que l’on essaye de corriger par la peine du fouet. Or, les jeunes Anglais fouettés après condamnation judiciaire, de 1868 à 1894, ont passé du chiffre de 385 par an à celui de 3192. L’auteur de la plus récente statistique officielle anglaise (1896) après avoir constaté la bonne

  1. En Italie, le chiffre des parricides est le double de celui de la France ; mais ce fait prouve une seule chose, dit M. Carry, la brutalité des mœurs et la violence des passions. En revanche, il y a deux fois moins d’infanticides en Italie qu’en France.