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association trop intime avec le pouvoir royal, l’Eglise était le point de mire des mêmes attaques et menacée de partager le même sort que la dynastie. Puis, en Belgique, les opposans même les plus passionnés ne réclamaient que des réformes légales, tout au plus une séparation administrative rendant l’autonomie aux deux fractions du royaume sous l’union personnelle du même prince, qu’on ne parlait même pas encore de détrôner. L’élan révolutionnaire de France franchissait d’un bond toutes les limites, jetait le pays à corps perdu dans une révolution, et la prudence flamande avait peine à le suivre. Tout céda cependant bientôt à l’entraînement de l’exemple et à la puissance irrésistible qu’exerce sur l’imagination des masses un fait matériel éclatant. La preuve était acquise que, par un seul effort, la volonté populaire pouvait se faire obéir. Pourquoi hésiter à employer ce procédé sommaire, et ne pas se faire justice soi-même au lieu de l’attendre sans être sûr de l’obtenir ? Le modèle était donné et appelait l’imitation. « Faisons comme les Parisiens ! » devint le cri général.

A partir de ce moment, la révolution était faite dans les esprits, toutes les têtes se montèrent et la moindre étincelle devait faire éclater le feu. Un attroupement tumultueux à la porte d’un théâtre, un refrain d’opéra où le mot de liberté était prononcé, répété en chœur à la sortie par une foule exaltée, il n’en fallut pas davantage pour qu’à un mois à peine de distance, Bruxelles se donnât le spectacle d’un soulèvement populaire à l’instar de Paris.

Si l’épreuve pourtant fut un peu plus longue, si le conflit avec le pouvoir royal dura trois semaines au lieu de trois jours, ce fut uniquement parce qu’au lieu d’être, comme Charles X à Saint-Cloud, sous la main des insurgés, Guillaume demeurait dans sa retraite de la Haye, inaccessible et inabordable au milieu de la Hollande qui lui savait gré de combattre et de souffrir pour avoir voulu assurer sa prédominance, et à l’abri ainsi de toute violence personnelle. A cela près, ce fut toute la série des phases ordinaires d’une insurrection triomphante, telles que nous les avons vues se dérouler dans plus d’une circonstance pareille, avec une triste régularité : les défaillances de la force armée pénétrant dans une cité où le sol hérissé de barricades semble se soulever sous ses pas ; l’intervention inutile des médiateurs pacifiques ; l’offre de concessions tardives qui encouragent, au lieu de satisfaire les assaillans ; l’institution d’un gouvernement