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représentation n’avait donc pu être établie qu’en accordant à la partie la moins nombreuse un avantage de près d’un tiers au détriment de la plus forte. L’inconvénient n’était pas sensible dans les délibérations qui ne portaient que sur quelque sujet d’un intérêt général et commun à tout le royaume. Mais il apparaissait d’une manière même très pénible, dès qu’un conflit s’élevait qui mettait aux prises les intérêts ou les sentimens du Nord et du Midi. Si l’administration royale avait alors le désir de faire pencher la balance en faveur du Nord (et c’était habituellement le cas), elle avait un moyen très simple de se procurer cette satisfaction, c’était de joindre à la masse des suffrages hollandais un petit nombre de voix belges, habilement détachées. Or, dans quelle assemblée une administration active n’a-t-elle pas assez d’influence pour déplacer à sa volonté quelques suffrages ? Le vote alors était illusoire et prévu d’avance, la Hollande était sûre d’être maîtresse et tenait lu Belgique à sa discrétion[1].

Ce fut surtout dans les questions financières que ce genre de calcul, se résumant en quelques chiffres, put être aisément opéré et constaté. Le nouveau royaume, étant loin d’avoir une caisse bien garnie, dut, de bonne heure, songer à accroître ses recettes par l’imposition de nouvelles taxes ; c’est un genre d’actes de l’autorité royale qui est rarement bien accueilli des contribuables : mais les impôts que l’administration des Pays-Bas proposa eurent tout de suite aux yeux des Belges un double tort : on leur reprocha d’abord d’être établis en grande partie pour faire face à des charges qui, en bonne justice, n’auraient dû incomber qu’à la Hollande, car c’étaient ou les intérêts de dettes contractées avant la réunion, ou les frais d’entretien et de réparation des digues, cette œuvre artificielle créée autrefois par la république des Provinces-Unies pour se défendre contre l’inondation maritime, et dont le sol de la Belgique, très suffisamment défendu par sa situation, n’avait aucun besoin. Mais, de plus, l’assiette des taxes nouvelles ne prêta pas moins à la critique que leur emploi ; la Belgique était essentiellement un pays agricole, et ce fut sur les produits de l’agriculture que le poids des nouvelles charges porta principalement. Au droit de mouture, dont le nom a toujours été odieux, on joignit un prélèvement sur chaque tête de bétail,

  1. Voir dans Bulwer : Vie de lord Palmerston, p. 10, une série de votes importans dans lesquels la majorité fut formée par tous les suffrages hollandais, plus deux Belges, les autres députés belges ayant tous voté négativement.