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de 1791, ne se prêtant qu’à regret à des vues si différentes des illusions de sa jeunesse, ne se pressa pas de faire connaître son opinion, ce qui fit que la réponse tarda assez pour que le roi des Pays-Bas, averti des aventures où son fils voulait l’entraîner, y mît ordre en l’éloignant de Bruxelles.

Assurément l’alliance d’un roi de nouvelle fabrique avec les vieux révolutionnaires de France, dans les conditions à la fois monstrueuses et ridicules où on l’avait rêvée, était une gageure qui passait les bornes de la plaisanterie ; mais, en Belgique même, la bonne intelligence, momentanément établie entre un souverain d’humeur aussi impérieuse que Guillaume et des sujets qui n’étaient de son avis que sur un seul point, n’avait pas beaucoup plus de chances de succès ni de durée. Une entente pouvait être momentanément établie sur des questions morales d’un ordre élevé, mais abstrait, dont la passion dénature aisément le caractère jusqu’à faire oublier la réalité des faits : mais, dès que des intérêts positifs et matériels furent en jeu, les inconvéniens du régime factice imposé à la Belgique se firent sentir de ceux-là mêmes que les dissidences religieuses avaient peu touchés. Ce ne furent pas alors seulement les catholiques, mais tous les Belges, sans distinction de culte et de croyance, qui s’aperçurent qu’une union, conclue sans précaution et sans garantie, était exploitée de manière à tourner à l’avantage exclusif des voisins et anciens rivaux qu’on leur avait donnés pour associés.

À la vérité, pour se conformer aux instructions des puissances fondatrices de ce royaume composite, la loi fondamentale avait pris soin de partager en deux moitiés rigoureusement égales entre les provinces du Nord et celles du Midi les deux assemblées législatives qui, sous le nom d’États Généraux, formaient leur représentation commune. Il dut y avoir à la Chambre haute comme à la Chambre basse cinquante-cinq membres belges et cinquante-cinq hollandais, mais il fut aisé de s’apercevoir que cette égalité nominale n’était qu’un leurre et même un piège : car on n’avait pu l’obtenir que par des combinaisons électorales artificielles, faites de manière à effacer la disproportion numérique des populations auxquelles on était résolu d’avance à assigner un nombre exactement pareil de mandataires. On comptait en effet environ deux millions de Hollandais, tandis qu’on portait à un peu plus de trois millions et demi le nombre des habitans de l’ancienne Belgique. La prétendue égalité de