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En admettant qu’il portât quelquefois même à l’autel un souvenir chevaleresque de cette nature, fallût-il même de plus reconnaître en lui quelque trait de ce caractère que Mme de Pompadour, dans ses querelles avec le maréchal de Broglie pendant la guerre de Sept Ans, appelait la férocité native de la famille, ce n’est pas de lui pourtant qu’on aurait pu dire, comme de certains prélats mondains de l’émigration, que l’honneur suppléait chez eux à l’infirmité de la foi : la sienne était aussi fervente que ferme, et allait se manifester plus que jamais dans les épreuves nouvelles qui devaient se succéder pour lui, sans lui laisser un jour de relâche.

A peine rentré dans son diocèse où il était accueilli par les témoignages d’une joie générale, apprenant par la rumeur publique qu’on destinait à la Belgique un souverain étranger à la foi catholique, il se mit en devoir, non pas précisément de protester contre ce choix, mais d’adresser aux Puissances encore réunies à Vienne, la demande que l’Eglise fût au moins rétablie dans tous les honneurs et privilèges dont elle avait joui sous l’ancien régime, et en particulier que ses dignitaires fussent admis dans les conseils du nouveau roi. Les plénipotentiaires ayant autre chose à faire que de l’écouter, il n’est pas sûr que son adresse ait été lue, et, en tout cas, elle ne reçut aucune réponse.

Mais une meilleure occasion se présenta bientôt de faire entendre ses réclamations : ce fut lors de la mise aux voix et de la promulgation de la loi fondamentale du royaume. Cet acte avait été rédigé à la Haye, dès le lendemain du rappel de la maison d’Orange, mais il avait été convenu, dans le protocole arrêté à Londres, qu’il recevrait les modifications nécessaires pour être approprié aux circonstances. Guillaume crut se conformer à ce désir des puissances, en faisant les modifications lui-même dans un conseil où à peine deux ou trois Belges furent admis, et en présentant ensuite cette révision sommaire à une assemblée des notables également convoqués sur sa désignation. Les Hollandais, qui y retrouvaient assez fidèlement reproduit le souvenir de leurs anciennes franchises communales, émirent naturellement un vote d’approbation unanime. Mais, en Belgique, le résultat fut opposé : sur 1 603 notables désignés, 1 313 seulement prirent part au vote ; 519 suffrages furent favorables et 751 contraires. La loi fondamentale eût donc été rejetée par une différence de plus de deux cents voix, si le roi n’avait imaginé plusieurs expédiens pour se composer une majorité à son gré. D’abord, en application de l’adage,