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populations dont on venait de constater l’attachement à la foi catholique, un souverain protestant, dont le nom devait leur rappeler, par son illustration même, les luttes religieuses que leurs aïeux avaient soutenues au XVIe siècle. Cet inconvénient ne paraît pourtant pas avoir été de ceux qui arrêtèrent un instant la pensée des dispensateurs souverains des destinées de l’Europe. On s’explique cette indifférence, quand on se rappelle que, dans les conversations tenues alors entre les quatre principales têtes couronnées, il y avait un seul catholique contre deux protestans et un schismatique ; ce qui ne les empêchait pas de s’entendre à merveille pour prodiguer, d’une part, des hommages au Souverain Pontife rétabli dans sa capitale par leur intervention, et de ratifier de l’autre, sans avoir même l’air de s’en apercevoir, la suppression, opérée par l’Empire, de toutes les anciennes souverainetés ecclésiastiques d’Allemagne. Rien ne prouve mieux à quel point, à ce moment critique de l’histoire, devant les nécessités ou les intérêts égoïstes de la politique, les questions religieuses étaient reléguées au second rang. Le nom de Sainte-Alliance, mis alors en tête de plusieurs des actes collectifs de ces grandes puissances, n’attestait qu’un déisme assez vague, étranger à tout dogme précis. Ces sages politiques comptaient évidemment que le prince, dont ils faisaient le roi d’un État mixte, serait doué de cette largeur d’esprit et de cette tolérance un peu sceptique qu’on respirait dans leur atmosphère. C’est en quoi leur attente fut promptement déçue. Non que le nouveau Guillaume fût animé de l’ardeur de propagande, qui, dans des siècles de foi plus vive, avait fait la force et popularisé la renommée de ses ancêtres. L’obstacle ne vint pas de ses convictions religieuses, plus sincères que ferventes, mais bien d’un naturel irascible et tenace, le moins fait peut-être qu’on eût pu imaginer pour ménager une situation délicate. C’était, dit un de ses historiens anglais, un de ces hommes d’esprit qui font des sottises et qui, lorsqu’ils ont pris une mauvaise mesure, s’obstinent à la défendre par de pires encore.

Ce fut sur le terrain religieux, comme on aurait dû le prévoir, que se trouva la pierre d’achoppement contre laquelle vint heurter ce tempérament autoritaire. Il est vrai qu’un singulier hasard lui fit trouver tout de suite en face de lui un prélat d’un naturel ardent, qui venait de montrer par la plus rude des épreuves que, dès que sa conscience était en éveil, on ne venait pas aisément à bout de sa résistance. Ce n’était pourtant pas un