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public, à la veille de sa séparation, pour résumer et consacrer l’ensemble de ses délibérations. On sait que le sceau définitif fut apposé à cette œuvre si mûrement délibérée le 9 juin 4815, au moment où Napoléon, échappé de l’île d’Elbe, et entraînant la France dans un effort désespéré, apparaissait déjà en armes en Belgique même et allait ensanglanter à Waterloo le berceau du royaume nouveau-né ! Cette résurrection éphémère, mais inattendue d’un ennemi qu’on croyait avoir mis pour jamais à terre, ne rendait la publication des précautions préparées contre lui que plus opportune et même plus nécessaire.

Il serait superflu et tout à fait hors de place d’entrer ici dans le détail de ce vaste plan qui, cernant la France de toutes parts, combiné pour la contenir et la gêner partout, au Nord comme au Midi, au pied des Alpes comme des Pyrénées, sur la Méditerranée comme sur les mers du Nord, poursuivait même sur l’Atlantique et sur la mer des Indes les derniers débris de sa puissance coloniale. Les diverses parties de cette œuvre inspirée par une passion haineuse en ont été successivement détachées et ont aujourd’hui si bien disparu qu’il en reste à peine un souvenir. Mais il faut mentionner particulièrement le point qui touchait de plus près et devait intéresser directement le royaume des Pays-Bas.

Je veux parler de l’attribution faite à la Prusse, dans les dépouilles de la France, des provinces de la rive gauche du Rhin, qui venaient de partager en bien comme en mal, dans la conquête comme dans la défaite, pendant toute la période républicaine et impériale, le sort de la Belgique, et qui, placées comme elle sur la frontière française, imposaient, sur une longueur de territoire à peu près égale, la même tâche de surveillance à remplir. Il semblait donc indiqué naturellement que ces deux lignes de défense, placées dans des conditions semblables, se fissent suite l’une l’autre de manière à n’en constituer en réalité qu’une seule et qu’il fût impossible de passer entre elles ; ce qui permettrait également de porter, au premier signal d’alarme, toutes les forces disponibles sur le point menacé.

Mais, pour établir cette continuité si désirable, il fallait que le territoire du nouveau royaume des Pays-Bas fût tout à fait contigu à celui de l’Allemagne, ce qui ne pouvait avoir lieu qu’en l’étendant au-delà de la limite de la Meuse, qu’on lui avait d’abord assignée. Il fallait y joindre de petits États autrefois restés indépendans comme l’évêché de Liège et le duché de Bouillon, et