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Et quelques jours après : « De grâce, appuyez fortement sur Anvers (lay your shoulder to Antwerp) ; tant que ce point n’est pas en sûreté, nous courons de grands risques en cas de défaite. »

Allant plus loin, et voulant (dit quelque part M. Thiers) prévenir toute contestation en tentant les puissances continentales par l’appât de l’argent dont elles avaient grand besoin, l’Angleterre offrait, si on mettait la main sur la flotte d’Anvers, de la racheter à un prix qui ajouterait une moitié en sus au subside qu’elle s’était obligée à fournir annuellement, tant que durerait la guerre commune.

La dépêche de Castlereagh est du 13 novembre ; et le 15, deux jours seulement après, survenait un événement qui devançait et comblait toutes ses espérances. La domination française, assez facilement acceptée et passée en habitude en Belgique, était odieuse à la Hollande, dont elle froissait tous les intérêts. Nos allures de centralisation administrative étaient antipathiques aux habitudes et aux mœurs de cette petite et valeureuse nation, qui avait dû son indépendance et sa grandeur relative à ses fortes libertés communales. Aussi, dès que, pour éviter l’approche d’une division prussienne, le petit corps d’armée français, qui représentait et défendait un pouvoir mal assis, se fut mis en retraite, un soulèvement éclata à la Haye, puis à Amsterdam, et dans les divers chefs-lieux des anciennes Provinces-Unies, et, nulle résistance ne s’y opposant, un gouvernement provisoire fut établi. Un appel fut adressé au chef survivant de la maison d’Orange, le fils du dernier Stathouder, celui que la République Batave (créée à l’image de celle de France) avait dépossédé. Quand cet héritier d’une race toujours populaire arriva à Amsterdam, il y fut accueilli avec acclamations. La restauration était faite dès le premier jour, mais non pas seulement celle d’une famille souveraine : c’était celle aussi de la tutelle anglaise que tous ces souvenirs rappelaient.

C’est bien ainsi que l’entendait l’Angleterre, ravie de l’avènement d’un petit-neveu de Guillaume III qui venait de passer vingt ans d’exil à Londres et dont le fils avait servi avec distinction en Espagne dans l’armée de Wellington… Mais la moitié seulement de l’œuvre qu’elle avait à cœur était accomplie, puisque le drapeau français flottait toujours à Anvers, gardant et fermant le vaste estuaire de l’Escaut. À tout prix, il fallait avoir Anvers, et