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et mieux justifiée que leurs devanciers d’Utrecht et de Rastadt. Il n’y a pas lieu de s’étonner non plus que leur attention ait été tout de suite portée sur cette partie de l’Europe, objet de tant de contestations et que cette ambition détestée venait de s’approprier sans scrupule tout entière. Il est naturel aussi que ce soit sur ce point même qu’elles aient cherché et cru trouver le moyen d’y mettre un frein. La constitution du royaume des Pays-Bas ne pouvait avoir d’autre vue que ce dessein hostile et ne peut pas recevoir d’autre explication.

Mais ce qui surprend davantage, c’est que, tandis que dans tout le cours de l’ancien régime, ce n’était jamais sans peine qu’on était parvenu à trouver, pour l’organisation des Pays-Bas, un système de nature à concilier les intérêts et les convoitises opposés, il y ait été procédé cette fois d’un commun accord avec tant de rapidité, que tout était réglé d’avance, avant même que fût réuni, à Vienne, le grand congrès où devaient s’engager sur d’autres questions de très vifs dissentimens. La vérité est qu’une puissance plus pressée que les autres, s’occupant avant elles de ce point capital, les avait dispensées d’en prendre souci, en leur offrant, je dirais presque en leur imposant, dès les premiers jours, une combinaison préparée d’avance à laquelle elles n’eurent qu’à donner leur adhésion. C’était l’Angleterre, dont le royaume des Pays-Bas, formé de l’union de la Hollande et de la Belgique, fut l’invention propre et l’œuvre personnelle.

La politique britannique avait, en effet, ce jour-là, sur ses alliés de la dernière heure, un avantage qui fit sa force, et ce n’est pas dans cette occasion seulement qu’elle sut en user. C’était de n’avoir eu, pendant une lutte de vingt années, qu’une idée à poursuivre, et d’avoir concentré sur un seul objet l’âpreté de ses prétentions et de ses haines. L’Angleterre n’avait pas traité à Bâle, comme la Prusse, avec les régicides ; elle n’avait point échangé des effusions de tendresse avec le conquérant, comme la Russie, à Tilsitt ; elle ne lui avait pas donné, comme l’Autriche, une de ses princesses en otage. Aussi, le jour de la liquidation venu, elle arrivait fière d’avoir conservé, pendant que tout se vendait ou se prostituait autour d’elle, une intégrité, j’ai presque dit une virginité hautaine. Les autres grands Etats, qui avaient, à certains jours, pris leur part et trouvé leur profit dans le désordre général, pouvaient avoir entre eux des comptes difficiles à régler, mais l’Angleterre, n’ayant jamais eu qu’une seule pensée, n’avait aussi