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à tour, les provinces qui forment proprement la Belgique, ne cessent plus d’être le théâtre et l’enjeu de tous les combats.

Bien que n’étant pas directement intéressée dans ce grand duel, l’Angleterre ne veut pas manquer d’y intervenir et d’en profiter ; mais c’est surtout pour établir son action plus au Nord et prendre la haute main sur la partie maritime de la contrée dont elle laisse d’autres se disputer le sol. Elle est servie à souhait, dans ce dessein, par les troubles religieux qui suivent la réforme protestante et l’insurrection victorieuse qui affranchit du joug des Infans et des Archiducs, tout le cours inférieur de la Meuse et du Rhin. La république hollandaise des Provinces-Unies, fondée avec l’appui et l’encouragement de l’Angleterre, doit lui rester liée par ses relations militaires et commerciales, et la communauté de religion. On sait comment le grand Frédéric dépeignait, un siècle encore plus tard, cette dépendance : la Hollande, disait-il, suit l’Angleterre comme la chaloupe suit l’impression du bâtiment de guerre auquel elle est attachée.

Grâce à ce soutien de l’Angleterre, cette division opérée dans la région néerlandaise ne diminue pas la place considérable qu’elle continue à occuper dans l’ensemble de la politique générale. Le rôle des deux fractions séparées semble devenir au contraire plus actif et plus important. C’est ainsi qu’on trouve leur nom mêlé à toutes les phases glorieuses ou pénibles du grand règne de Louis XIV. C’est par une agression contre la Hollande que Louis inaugure une ère de victoires et de conquêtes, qu’il termine par l’annexion à sa couronne d’un district belge assez étendu, comprenant les riches cités de Lille, de Valenciennes et de Cambray. Mais bientôt la scène change : l’ambition du monarque vieilli, devenue intempérante par l’enivrement du succès, menace l’Europe d’une prépondérance plus inquiétante que celle de l’Autriche, et c’est alors la Hollande qui donne le signal d’une formidable coalition dressée contre lui. Un souverain de génie, Guillaume d’Orange, dont la Hollande fait don à l’Angleterre, en est le chef, et son habile direction prépare les succès répétés qui mettent la vieille monarchie à deux doigts de sa perte. Alors même qu’une transaction pacifique inespérée intervient pour tempérer les exigences du vainqueur, une méfiance profonde persiste, dans la pensée de tous, contre les aspirations de la France à la domination universelle, et la préoccupation commune est de se couvrir d’un rempart contre le retour offensant de cette ambition toujours redoutée.