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poursuivre le but qu’ils avaient toujours eu en vue. Depuis qu’il y a eu un royaume de France, tous ceux qui ont porté dignement la couronne ont regardé d’un œil inquiet cette frontière septentrionale dénuée de toute défense naturelle, laissant à découvert avec le chemin de la capitale le cœur même de la patrie, et leur souci constant a toujours été de la reculer et de la défendre. Le roi Louis-Philippe tenait cette préoccupation patriotique aussi bien de l’héritage de sa race que du souvenir des combats auxquels il avait pris part lui-même dans la résistance de la France à la coalition de 1792. C’était le soldat de Valmy qui voulait assurer, contre la menace d’un péril toujours à craindre, l’œuvre de Philippe-Auguste, de Henri IV, de Richelieu et de Louis XIV.

Je sais bien que, préservée sur ce point de toute attaque imprévue, notre ligue de défense a subi depuis lors sur d’autres, qu’il était plus aisé de garantir, une brèche plus large et plus profonde. C’est un fait qu’il est douloureux de constater et d’où naît une comparaison qui se présente d’elle-même à l’esprit. Il est impossible de ne pas remarquer que, de deux dynasties à qui la France a remis ses destinées, il en est une qui a consacré huit cents ans d’efforts et de gloire à défendre et à étendre notre unité nationale sans un jour d’arrêt, ni un pas en arrière, tandis qu’il a suffi à l’autre de peu d’années, pour la laisser, après une atteinte qui aurait pu être mortelle, mutilée et toujours vulnérable.


I

Mais, bien que devenue imparfaite et insuffisante, l’œuvre politique de la royauté de 1830 n’a pas péri, et la France en recueille encore les fruits. Pour on apprécier suffisamment le mérite, il faut avoir présente à l’esprit la situation faible et pleine de périls que les puissances coalisées, victorieuses de Napoléon en 1814, s’étaient plu à créer à la France, en constituant à ses portes un royaume uni comprenant sous les mêmes lois la Hollande et la Belgique. L’intelligence même ne serait pas complète, si, remontant en arrière au-delà de cette date de fâcheuse mémoire, une rapide revue ne nous rappelait quel prix toutes les puissances d’Europe (la France autant et plus que les autres) avaient de tout temps attaché à connaître et à déterminer elles-mêmes entre quelles mains et dans quelles conditions serait